Conseil nationalL’élimination des meutes de loups crispe les positions à Berne
Le Valaisan Christophe Clivaz (V/VS) estime que la politique d’Albert Rösti jette inutilement de l’huile sur le feu. Ce dernier refuse de parler de «chasse».
- par
- Eric Felley
La chasse aux loups, autorisée depuis le 1er décembre dernier dans certains cantons comme les Grisons, le Valais et le Tessin, ravive les tensions au Conseil national. Alors que le Tribunal administratif fédéral a fait suspendre les opérations dans les Grisons, c’est l’écologiste valaisan Christophe Clivaz (V/VS) qui a interpellé ce lundi le conseiller fédéral Albert Rösti en charge de l’environnement.
Dans un certain climat de suspicion, le Valaisan lui a demandé quelles étaient les informations que les cantons devaient fournir à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) pour décider d’abattre telle ou telle meute. Il a demandé aussi quelle était l’évolution des dégâts aux animaux de rente entre 2022 et 2023: «Cette année, note-t-il, les dégâts aux animaux de rente ont diminué malgré l’augmentation du nombre de loups, comment dès lors justifier le tir de meutes de loups?»
700 000 francs de dégâts en 2022
Albert Rösti a rappelé d’abord que c’était le Parlement qui avait décidé de modifier la loi pour permettre une régulation préventive des loups. Il a ajouté que de 2022 à 2023, la population de loups était passée de 200 à 300 spécimens en Suisse. En 2021 les dégâts causés s’étaient montés à 330 000 francs et étaient passés à 700 000 francs en 2022. Par contre, les chiffres de 2023 ne sont pas encore connus.
Mais selon lui, les règles sont claires pour les cantons qui doivent appliquer l’ordonnance entrée en vigueur le 1er décembre: «Ils doivent fournir une justification à l’OFEV pour chaque meute de loups qu’ils veulent réguler de manière proactive. Si une meute a occasionné des dommages, le canton doit indiquer les dommages causés aux animaux de rente attaqués malgré des mesures raisonnables de protection des troupeaux».
Proportionnalité?
Mais Christophe Clivaz se montre sceptique: «En ne respectant pas le principe de proportionnalité, c’est-à-dire en mettant en place un dispositif qui s’apparente à une véritable chasse aux meutes de loups, n’avez-vous pas le sentiment d’exacerber les tensions entre pro et anti-loups, plutôt que de proposer une solution équilibrée?»
«Non, a répondu vivement le Bernois, nous avons une gestion très spécifique et n’avons en aucun cas organisé de «chasse» au loup ici. Je l’ai déjà dit: avant qu’une meute puisse être retirée, des conditions claires doivent être remplies, c’est-à-dire qu’il doit, d’une part, exister un danger pour les humains ou les animaux et, d’autre part, que les mesures nécessaires de protection du troupeau doivent avoir été prises. Dans le cas contraire, la suppression de loups n’est pas du tout autorisée».
Décisions contestées
Cela dit, vendredi dernier, le canton des Grisons a dû suspendre la chasse aux loups et aux meutes sur son territoire après un recours de Pro Natura et du WWF auprès du Tribunal administratif fédéral. Ces organisations contestent le principe et le choix de certaines meutes, qui n’entreraient pas dans les critères de dangerosité avancés par Albert Rösti. Une démarche similaire est en cours devant le même tribunal concernant la situation en Valais, où il est prévu d’abattre sept meutes, dont trois n’auraient pas fait suffisamment de dégâts.
À noter aussi qu’à Berne, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), a critiqué ouvertement la politique d’Albert Rösti qui ne tiendrait pas compte des dernières statistiques sur les prédations pour l’année 2023, comme l’a relevé Christophe Clivaz: «Celles-ci indiquent, à notre connaissance, que le nombre de proies du loup a nettement diminué, bien que la population ait augmenté en même temps. Cela montre que des mesures plus douces que les tirs sont également efficaces», conclut l’OSAV.