Football: Analyse: comment Servette et le LS ont sombré

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FootballAnalyse: comment Servette et le LS ont sombré

Défaits 4-1 par Yverdon et 5-2 par Winterthour, Genevois et Vaudois donnaient le sentiment de faire face à des adversaires à leur portée. Pourtant, tant offensivement que défensivement, leur approche a été mise à mal de manière semblable.

Valentin Schnorhk
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Valentin Schnorhk
Jérémy Guillemenot (à droite) subit la loi de Samuel Oum Gouet. Servette a été neutralisé aisément par Yverdon samedi.

Jérémy Guillemenot (à droite) subit la loi de Samuel Oum Gouet. Servette a été neutralisé aisément par Yverdon samedi.

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Le football n’a pas de loi. Il peut s’exécuter et fonctionner de toutes les manières possibles. Autant dire qu’avoir le ballon ne garantit de rien si ce n’est que d’avoir une possession supérieure à son adversaire. Servette et le Lausanne-Sport l’ont appris et ruminé ce week-end: les Grenat en s’inclinant 4-1 contre Yverdon malgré avoir eu le ballon 58% du temps, alors que les Vaudois ont été battus 5-2 par Winterthour avec une possession de près de 63%.

La vitesse de Nishan Burkart a souvent exposé la défense lausannoise et Anel Husic dimanche.

La vitesse de Nishan Burkart a souvent exposé la défense lausannoise et Anel Husic dimanche.

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Comment donc les deux locomotives du football romand ont-elles pu sombrer à ce point dans des matches a priori à leur portée et qu’elles ont voulu dominer? Si la formation de René Weiler n’a pas forcément les mêmes caractéristiques que celles de Ludovic Magnin, elles se rapprochent par leurs manières conjointes de subir leur match du week-end. Avec des approximations qu’on retrouve de part et d’autre. Décryptage.


Structurellement instables

Sur le papier, difficile de comparer Servette et Lausanne sur ce début de saison. Notamment en phase offensive. Du côté de la Praille on se plaît à jouer un football direct et vertical, où le long ballon est un moyen d’avancer, alors qu’à la Tuilière on cherche une construction qui vise plus les pieds que l’espace. Sauf que ni l’un ni l’autre ne sont des garanties pour progresser de manière cohérente.

L’idée est d’être structuré. Autrement dit, d’occuper les espaces du mieux possible pour que le jeu avance. Et c’est là où, ce week-end, Servette et le LS se sont retrouvés. À attaquer mal, l’un comme l’autre l’ont payé. Notamment par une certaine obsession à vouloir passer par l’intérieur du jeu, là où tant Yverdon que Winterthour les attendaient avec un bloc médian compact et surtout agressif.

Ce n’est pas tant l’idée qui fasse défaut: il est arrivé que les Genevois comme les Vaudois parviennent à toucher l’intérieur du jeu par moments lorsqu’ils repartaient depuis derrière. Ça a même marché lorsqu’ils s’en servaient pour fixer l’adversaire dans l’axe et passer par le côté. Le problème était dans la manière de soutenir l’idée, soit de l’organiser. À savoir de faire en sorte que le coup d’après soit pensé.

Côté servettien, on s’est soit jeté dans la gueule du loup en touchant un coéquipier (Cognat, souvent) seul dos au jeu plein axe et immédiatement agressé, soit en allongeant vers Crivelli sans structurer le deuxième ballon. À Lausanne, c’est la déconnexion entre le passeur et le receveur et le reste de l’équipe qui a sauté aux yeux, avec la difficulté de donner de la continuité aux actions. En bout de chaîne, tout ça se signale par une production offensive faible: elle a reposé sur des centres, souvent lointains, côté lausannois (12 frappes, pour une moyenne de 0,107 xG par tentative), alors que les Servettiens ont principalement tiré de loin (0,067 xG par tir, sur un total de 12 également).

C’est la limite des deux projets. Mais leur principal défaut, c’est qu’ils sont aisément sanctionnés par les adversaires. Ce fut criant ce week-end: l’absence de structure a surtout mis en évidence le manque de défense préventive. Tant Lausanne que Servette ont été beaucoup trop exposés quand ils avaient le ballon. Presque chaque perte de balle leur faisait courir le risque d’être dépassés en transition défensive. Ça s’exprime sous différentes formes: une passe dans une zone où l’infériorité numérique saute aux yeux, une structure beaucoup trop étalée sur la largeur (notamment de la part des défenseurs) et donc un axe délaissé ou encore une équipe coupée en deux.

Le 1-0 de Winterthour ou le 3-0 yverdonnois en sont des exemples manifestes. Et surtout pas des événements isolés. Et lorsqu’on a autant la balle, les situations se répètent.


Dépendants du pressing

Mais les deux clubs lémaniques n’ont pas souffert qu’en transition. Preuve qu’ils n’ont jamais contrôlé le match aussi efficacement qu’ils l’entendaient, ils ont pris plusieurs buts sur des phases défensives «placées», à savoir des séquences où Yverdon ou Winterthour avaient le ballon dans le camp adverse et ont pu construire leurs actions jusqu’aux buts de Mall ou de Castella.

Ce qui en ressort? Une difficulté partagée à défendre bas. Leur point commun? Tant Servette que Lausanne ont une tendance à ne pas défendre à onze quand ils sont proches de leurs buts, qui s’est montrée criante ce week-end. Pour le LS, il faut surtout y voir une certaine paresse: l’ailier Baldé, Alvyn Sanches (qui a le rôle d’un attaquant en phase défensive) ou Brighton Labeau ont rarement aidé leurs lignes défensives, laquelle a été particulièrement passive côté gauche, mais aussi dans l’axe (avec un Dussenne pas toujours bien inspiré dans ses anticipations).

À Servette, c’est une donne différente: à vouloir défendre haut, chaque ballon long est de nature à éliminer la moitié du bloc servettien. Et donc à exposer totalement la défense, à laquelle il faut ajouter un des deux milieux axiaux (Douline, samedi). Bref, les Grenat défendent trop souvent en reculant et en voyant l’adversaire l’attaquer de front. Qu’il s’appelle Yverdon ou les Glasgow Rangers.

De cette lecture découle une conclusion, commune aux deux équipes: elles sont très dépendantes d’un pressing efficace. Si elles parviennent à récupérer haut, elles se préservent d’une grande difficulté plus bas sur le terrain. Pour l’équipe de Ludovic Magnin, c’est un aspect qui tend à fonctionner plutôt bien. En effet, quand il s’agit de remonter le bloc et de suivre les passes en retrait ou latérales adverses, les Vaudois sont très efficaces.

Côté Genevois, en revanche, c’est un des aspects amenés par René Weiler qui ont besoin d’être perfectionnés. Servette défend ces séquences de manière individuelle: les deux attaquants ciblent les centraux adverses, les ailiers sont prêts à sortir sur les latéraux et un milieu (Cognat, généralement) suit le 6 adverse. Sauf qu’Yverdon, comme d’autres avant, a trouvé une parade: là où certains faisaient descendre un milieu supplémentaire (que Douline ne suivait pas), les Nord-Vaudois ont cherché à toucher très haut les latéraux, dans le dos des ailiers. Il suffit de ça pour éliminer la moitié du bloc servettien. Et donc révéler au grand jour ses difficultés.

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