Présidentielle  – Le Chili doit choisir son avenir entre deux extrêmes

Publié

PrésidentielleLe Chili doit choisir son avenir entre deux extrêmes

Tiraillés entre la peur et l’espoir, les Chiliens ont commencé à voter dimanche pour élire leur président parmi deux candidats inattendus, aux projets de société diamétralement opposés.

Des supporters du candidat de gauche Gabriel Boric se sont rassemblés jeudi à Santiago.

Des supporters du candidat de gauche Gabriel Boric se sont rassemblés jeudi à Santiago.

Getty Images

Quelque 15 des 19 millions de Chiliens sont appelés aux urnes ce dimanche. Le nom de celui qui va succéder à Sebastian Piñera, qui a voté dès l’ouverture des centres, devrait être connu peu après leur fermeture à 22h (heure en Suisse). Lors de ce second tour, ils doivent départager deux candidats inattendus, aux projets de société diamétralement opposés offrant un duel inédit depuis le retour de la démocratie en 1990.

Gabriel Boric, député depuis 2014 qui mène une coalition de gauche avec le Parti communiste, se présente comme le candidat du changement et l’héritier politique du mouvement de 2019 pour plus de justice sociale dans le pays le plus inégalitaire de l’OCDE. Âgé de 35 ans, l’âge minimum pour se présenter, l’ex-leader d’un mouvement étudiant en 2011 n’était pas attendu dans le sprint final il y a quelques mois seulement.

José Antonio Kast, leader du parti d’extrême droite qu’il a lui-même créé, avait remporté 7,93% des suffrages au 1er tour en 2017 et profite aujourd’hui du rejet inspiré par le président conservateur Sebastian Piñera qui achève dans l’indifférence son second mandat (2010-2014 puis depuis 2018). La droite chilienne victime du «dégagisme» s’est donc rangée en ordre de bataille derrière lui. M. Kast a remporté le premier tour le 21 novembre avec 27,9% des suffrages, devant son adversaire de gauche (25,8%).

Gabriel Boric (à gauche) et Jose Antonio Kast, avant le débat présidentiel du 13 décembre 2021.

Gabriel Boric (à gauche) et Jose Antonio Kast, avant le débat présidentiel du 13 décembre 2021.

AFP

Programmes opposés

Le programme économique ultralibéral de l’avocat de 55 ans propose de réduire encore plus les dépenses d’État et d’abaisser les impôts des entreprises pour créer de l’emploi. Tout le contraire du programme de M. Boric qui entend lancer une grande réforme fiscale pour faire participer les plus riches du pays (dont les 1% détenant 26,5% des richesses, selon une agence de l’ONU) à son programme redistributif d’un meilleur accès à la santé, à l’éducation, et la création d’un nouveau système de retraite, aujourd’hui entièrement privé.

Mais dans un pays gouverné par le centre-droit et le centre-gauche depuis la fin de la dictature il y a 31 ans, les électeurs semblent animés par le rejet plutôt que par l’adhésion.

L'ombre de Pinochet

Camila Chamblas, enseignante de 26 ans, veut à tout prix éviter un retour dans l’atmosphère de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), de laquelle se revendique José Antonio Kast (un de ses frères a été ministre sous le régime militaire durant lequel au moins 3200 opposants politiques ont été tués ou ont disparu). «Je n’étais pas encore née mais j’en ai beaucoup parlé avec mes parents qui ont beaucoup souffert à l’époque. Les choses que Kast dit sont comme une continuation de Pinochet», estime-t-elle.

Discréditer l'adversaire

Ricardo Sepulveda, retraité de 75 ans, ira lui voter contre le «communisme». Il raconte que sous le gouvernement socialiste (allié aux communistes) de Salvador Allende (1970-73), ses revenus ont diminué et l’insécurité a augmenté jusqu’à l’arrivée de la junte militaire qui a «rétabli l’ordre». La campagne présidentielle a été rugueuse et «axée sur le discrédit du concurrent», a expliqué Marcelo Mella, analyste à l’Université de Santiago.

Abstention massive au 1er tour

Lors de son dernier meeting jeudi, M. Kast, opposé à l’avortement, a juré que «le Chili n’est pas, et ne sera jamais, un pays marxiste ou communiste». M. Boric, pour sa part, a estimé que son rival «n’apportera qu’instabilité, plus de haine et de violence». L’issue de ce scrutin indécis sera dictée par la captation des voix du centre et la mobilisation des abstentionnistes du 1er tour (53%).

Électeurs dans l'inconnue

Javiera Munoz, 33 ans, enceinte et sans emploi, ne sait pas si elle ira «voter pour le moindre mal» ou «gaspiller» sa voix en votant blanc ou nul. Javiera Otto, employée de 24 ans, ne sait qui plébisciter: elle «n’aime ni l’un ni l’autre», n’a «pas vraiment d’espoir» et se sent guidée par «la peur».

Carol Bravo, serveuse de 34 ans, ira elle voter pour Gabriel Boric qui «donne l’espoir pour enfin achever tous les changements que le Chili a connus, surtout ces deux dernières années» avec l’écriture en cours d’une nouvelle Constitution pour remplacer celle rédigée sous l’ère Pinochet. Elle se dit «très nerveuse» dans l’attente du résultat et ira «dans la rue» dimanche soir si l’extrême droite l’emporte.

«Remous» à prévoir

Selon Patricio Navia, professeur à l’Université de New York, «si Kast gagne, il est certain que nous verrons des manifestations» mais «si Boric gagne, il y aura probablement des troubles sur le marché boursier». «Que ce soit sur les marchés boursiers ou dans les rues, il y aura des remous», prévient-il.

( )

Ton opinion

1 commentaire