ProcèsÀ l’audience, Sam Bankman-Fried s’exprime pour la première fois
Le roi déchu des cryptomonnaies Sam Bankman-Fried, jugé au pénal, a perdu jeudi un peu plus de son lustre lors de son premier témoignage à la barre pour une audience technique.
L’ancienne superstar des cryptomonnaies, Sam Bankman-Fried, a été auditionnée une première fois, jeudi, lors d’une audience technique de son procès pénal, qui l’a d’entrée placé en situation inconfortable.
Le juge fédéral Lewis Kaplan a pris la décision inhabituelle d’entendre d’abord l’accusé sans la présence du jury, avant de procéder à son audition dans les conditions normales d’un procès, vendredi. Il s’agissait d’évoquer des aspects techniques de son témoignage, et pas d’une audition complète.
«SBF» est jugé pour avoir organisé l’utilisation, illégale, de fonds déposés sur sa plateforme d’échange de cryptomonnaies FTX à l’insu des clients. Jusqu’à 14 milliards de dollars (12,59 milliards de francs) ont ainsi été siphonnés pour alimenter les investissements, souvent risqués, de sa société d’investissement Alameda Research.
Alors que l’audience semblait initialement circonscrite à des points de détail, Danielle Sassoon, représentante du procureur fédéral de Manhattan Damian Williams, est allée beaucoup plus loin. Elle lui a notamment demandé si le principe du recours d’Alameda à des fonds placés sur FTX avait été acté dans un document interne, ce qu’il n’a pu confirmer.
Initialement très calme et construit dans ses déclarations, Sam Bankman-Fried a été visiblement pris de court et a livré des réponses évasives et tortueuses, ce qui lui a valu plusieurs remarques du juge Kaplan. «L’accusé a une curieuse manière de répondre aux questions», a notamment dit le magistrat.
Interrogé par la représentante du ministère public, «SBF» n’a ainsi pas dit clairement s’il savait qu’Alameda était débiteur vis-à-vis de FTX ou que la société d’investissement bénéficiait de privilèges de traitement par rapport aux autres clients de la plateforme.
Image écornée
Tout au long de l’audition, l’avocat de la défense Mark Cohen a émis de nombreuses réserves, estimant que les questions dépassaient largement le champ d’une audience technique, sans que le juge Kaplan n’intervienne. «Notre position est que l’utilisation des fonds n’a pas été impropre et que notre client ne la voyait pas comme inappropriée», a expliqué l’avocat.
Sam Bankman-Fried a, de son côté, contesté, à plusieurs reprises, la formulation de Danielle Sassoon, selon laquelle Alameda s’est servi des fonds de clients de FTX pour investir. Au moment de la faillite de FTX en novembre 2022 quelque 8 milliards manquaient à l’appel. La majeure partie a été recouvrée depuis par les liquidateurs et devrait être reversée aux clients début 2024.
Arrivé dans le paysage des cryptomonnaies en 2019, Sam Bankman-Fried avait rapidement séduit le milieu, mais aussi bien au-delà, avec son discours clair et pédagogique, le Congrès américain le réclamant, à plusieurs reprises, pour des auditions. Mais à l’audience, jeudi, cette aisance a volé en éclats au bout de quelques minutes seulement, augurant mal de son audition en présence du jury, vendredi.
Globalement, depuis l’ouverture de ce procès fédéral pour fraude et association de malfaiteurs, la stature de «SBF» en génie facétieux des cryptomonnaies a implosé. Trois témoins clés, anciens collaborateurs de Sam Bankman-Fried, ont aussi mis à mal sa défense, qui consistait à charger ses anciens subalternes, taxés d’incompétence ou de légèreté.
À l’audience, les témoins ont assuré -soutenus par des documents internes rassemblés par l’accusation- que l’ancien magnat des cryptomonnaies était bien à l’origine des infractions et n’avait jamais perdu de vue la situation financière de FTX et d’Alameda. Le contre-interrogatoire par les avocats de «SBF» n’a pas mis en évidence de faille dans le récit de ces anciens collaborateurs.
Les accusés dans des procès pénaux aux États-Unis choisissent souvent de ne pas témoigner, pour éviter de s’incriminer, en particulier lors du contre-interrogatoire par l’accusation. Récemment, Harvey Weinstein, Bill Cosby, le chanteur R. Kelly, Ghislaine Maxwell (affaire Jeffrey Epstein), Derek Chauvin (condamné pour le meurtre de George Floyd) ou le narcotrafiquant Joaquin Guzman, dit «El Chapo», ont tous préféré ne pas s’exprimer au tribunal.