Dans une présidentielle serrée, le Paraguay pourrait virer à gauche

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Amérique du SudDans un scrutin présidentiel serré, le Paraguay pourrait basculer à gauche

Après près de 70 ans à droite, le pays d’Amérique du Sud pourrait imiter plusieurs de ses voisins. Sur le plan international, l’élection pourrait avoir des répercussions sur Taïwan notamment.

Santiago «Santi» Peña est le candidat de Colorado, le parti au pouvoir des décennies au Paraguay.

Santiago «Santi» Peña est le candidat de Colorado, le parti au pouvoir des décennies au Paraguay.

AFP

Le Paraguay, tiraillé entre vitalité économique et corruption endémique, élit dimanche son président, un scrutin extrêmement indécis qui menace sept décennies d’hégémonie de la droite à Asunción, et aux potentielles répercussions diplomatiques… jusqu’en Chine.

Santiago Peña, un économiste de 44 ans, héritier du Parti Colorado (conservateur), au pouvoir quasiment sans interruption depuis 76 ans, et Efraín Alegre, un avocat social-libéral de 60 ans, à la tête d’une coalition de centre gauche, sont les deux favoris, dans un coude-à-coude d’une rare incertitude, selon les sondages. L’élection se joue sur un seul tour.

Une défaite du plus que centenaire Colorado marquerait un basculement de plus à gauche pour un pays d’Amérique latine, dans la lignée d’une vague dite «rose», ces quatre à cinq dernières années, qui a vu des alternances du Mexique au Chili ou encore de la Colombie au Brésil.

Pays «plein de privilégiés»

Les questions sociales ont fait partie des thèmes de la campagne, tant le «petit» Paraguay (7,5 millions d’habitants, mais plus vaste que l’Allemagne) offre un fort contraste. Puissance agricole (soja, viande), gros exportateur d’électricité (barrage géant d’Itaipu cogéré avec le Brésil), sa santé macroéconomique (4,5% de croissance prévue en 2023, trois fois plus que l’Amérique latine) masque de durables inégalités (24,7% de pauvres) et une santé publique défaillante.

«Ça ne m’intéresse pas. On n’ira pas voter», assénait Albino Cubas, habitant d’un «bañado», ces bidonvilles régulièrement inondés sur les berges du Paraguay, à Asunción. «Il n’y a pas une proposition sérieuse pour les pauvres. Aucun candidat ne nous servira.»

«Le pays est plein de privilégiés. Des gens gagnent 100 millions de guaranis (12’500 francs) par mois quand, en même temps, d’autres meurent de faim», s’indigne Efraín Alegre – militant contre la dictature d’Alfredo Stroessner (1954-1989) et déjà deux fois candidat à la présidence (2013, 2018) –, qui envisage une réforme fiscale égalitariste, mais d’abord une cure d’austérité du secteur public.

Opposés à l’avortement et au mariage pour tous

En plus, dans un Paraguay aux frontières poreuses (enclavé entre Brésil, Argentine et Bolivie), lieu de transit majeur de la cocaïne andine, la corruption gangrène et tue désormais aussi: un procureur antiblanchiment, un maire antidrogue et un journaliste ont été assassinés en 2022.

Dans un pays à 90% catholique, à forte influence guarani (langue amérindienne officielle, au même titre que l’espagnol), les deux principaux rivaux se rejoignent sur les thèmes sociétaux, tous deux par exemple opposés au mariage pour tous, à l’avortement. «Nous sommes une société conservatrice, c’est profondément enraciné en nous et nous rend prudents face aux grands changements de société», assume Santiago Peña.

Taïwan, Israël…

À des années-lumière des préoccupations des Paraguayens, le scrutin pourrait avoir aussi un impact géopolitique marginal. S’il est élu, Efraín Alegre a en effet indiqué qu’il «analyserait» le devenir des relations d’Asunción avec Taipei, au nom de l’intérêt commercial supérieur que revêtirait un partenariat avec la Chine. Le Paraguay est l’un des 13 États au monde – et le seul d’Amérique du Sud – qui reconnaît officiellement Taïwan. Santiago Peña, pour sa part, a indiqué qu’il transférerait – de nouveau – l’ambassade paraguayenne en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Le président Cartes l’avait déjà fait en 2018, avant que son successeur Mario Abdo Benitez ne revienne sur le transfert, quelques mois plus tard.

Les résultats devraient être connus environ trois heures après la fermeture – prévue à 16h, soit 22h en Suisse – des bureaux de vote.

(AFP)

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