FootballHumeur: à trop vouloir changer le football, on va le détruire
Arsène Wenger et la FIFA planchent pour un hors-jeu «automatisé» au Qatar en 2022. Présentée comme un progrès, une telle technologie contribuerait à tuer encore davantage l’émotion, sifflée définitivement hors-jeu.


Quand il s’agit de réformer le jeu, Arsène Wenger n’est jamais avare de nouvelles propositions…
AFPParce qu’il a toujours été simple et unanimement partagé dans son approche, le football se veut éternel, aimé et universel - inutile de vouloir le réinventer en le dotant de gadgets et autres options superflues. Il ne se passe pourtant pas une semaine sans que d’émérites experts éprouvent un malin plaisir à s’y attaquer pour en modifier l’ADN. C’est à qui proférera la plus grosse énormité, soit pour continuer à lui-même exister soit pour créer le buzz à l’éphémère surface de la «clicosphère» (ce qui revient souvent au même, on vous le concède...).
Dans son genre, Arsène Wenger s’avère particulièrement redoutable, possédant quelques longueurs d’avance sur une concurrence acharnée. Déjà proclamé champion du monde du retournement de veste - imaginer une Coupe du monde disputée tous les deux ans, c’est lui - , le Français, promu directeur du développement (!) du football à la FIFA, a ouvert un nouveau front en évoquant ce mardi la prochaine détection «automatisée» du hors-jeu (ainsi électroniquement détecté) - une technologie encore secrète appelée à faire son apparition sur les pelouses du Mondial 2022 au Qatar.
Ben voyons… Une armée de capteurs, des juges devant leurs écrans, des bips, des casques, des détecteurs de mouvement, quel que soit le système à l’étude, mais quelle calamité! Quelle monstruosité!
Voici peu, Julian Nagelsmann, le très branché entraîneur du Bayern Munich, s’était déjà distingué en prônant l’installation d’un système de communication renforcé entre le staff et les joueurs, qu’il entendait câbler en équipant ceux-ci de micro - à l’instar de ce qui existe en NFL américaine. C’est quoi, la prochaine étape? Implanter une puce dans le cerveau des joueurs pour mieux les téléguider? Ah certains y pensent déjà…
Le vrai progrès, c’est savoir dire stop
A ce rythme, quel football applaudira-t-on demain? Le vrai progrès, c’est savoir dire stop à cette inflation galopante, ne pas sacrifier l’esprit du passé à l’avènement d’un futur douteux et d’un football 2.0 de Playstation. Vivre avec son temps, c’est apprendre à ne pas en subir les excès.
Le charme du football, ce n’est ni la technologie pour la technologie ni la fuite en avant institutionnalisée. C’est l’émotion de l’instant, vécu à travers ceux et celles qui l’écrivent; c’est faire confiance à l'œil des hommes et à leur instinct, quitte à les voir commettre des erreurs. Tant le jeu, se nourrissant lui-même d’erreurs, a besoin d’impairs et de scandales pour s’inscrire dans la légende - que serait Maradona sans sa main? A nos yeux, tendre à la perfection, débusquer l’erreur à tout prix revient à faire fausse route.
Comme on ne touche jamais un arbitre, on ne devrait jamais toucher au football. S’évertuer à vouloir le changer est le meilleur moyen de le détruire.