JO 2022Au Groenland, le biathlon est une histoire de famille
Ukaleq Astri Slettemark représente dignement sa famille aux Jeux de Pékin. Le biathlon groenlandais est d’ailleurs totalement sous la coupe de celle-ci.
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Ukaleq Astri Slettemark a pris part aux 15 km des JO.
Getty ImagesSon père Oystein était en lice à Vancouver, aux Jeux olympiques de 2010. Il a été président de la fédédation de biathlon de son pays, avant d’entraîner l’équipe nationale féminine. Sa maman Uiloq a représenté le Groenland à sept reprises aux Championnats du monde de la discipline entre 2011 et 2012. Elle est la présidente actuelle de la fédération, après en avoir été la secrétaire. Son frère Sondre a fini dans le top 25 des trois courses des Mondiaux juniors de la spécialité en 2021. Sa soeur Inuk a pris part à ses premières courses internationales juniors en décembre dernier. Autant dire que le biathlon, Ukaleq Astri l’a dans le sang. Ou alors qu’elle n’avait pas vraiment le choix des armes…
Les Slettemark sont d’ailleurs les seuls de leur contrée - pays constitutif du royaume de Danemark et territoire d’outre-mer associé - à pratiquer ce sport là-bas pour l’instant. «C’est ma famille et c’est tout. Il n’y a personne d’autre», a souri la biathlète de 20 ans, après avoir pris la 55e place du 15 km individuel et porté haut les couleurs du Groenland. Enfin, dans la mesure de ce qui est autorisé de faire selon la Charte olympique, soit pas grand-chose. Demandez donc à la Jurassienne Sarah Forster…
Le biathlon est venu à eux par la maman. Parce que cette spécialité réunissait à la perfection ses activités d’enfance, soit le fond et le tir. «J’ai commencé à chasser avec ma famille quand j’avais huit ans et j’ai abattu mon premier renne deux ans plus tard, a plastronné Uiloq Slettemark, née en Norvège. Au départ, j’ai commencé à faire ça toute seule dans mon coin. Je courrais vers la fin des années huitante. Je voulais vraiment juste faire du biathlon.»
Elle était finalement sur le point de participer aux Jeux de Vancouver et de réaliser son rêve, mais elle a découvert quelques mois avant les JO canadiens qu’elle était enceinte. Le couple, établi en Norvège pendant de nombreuses années, revenait au Groenland tous les étés et s’y entraînait dans les bois. «Mais là-bas, il n’y a pas de pas de tir», a expliqué Ukaleq. Pas de quoi arrêter l’ambition familiale: «On a le droit là-bas de faire feu dès qu’on est à plus de 500 mètres d’un bâtiment. Alors on partait de notre hutte dans les fjords et je plaçais moi-même des cibles en papier sur les arbres.»
Mais les conditions compliquées en pleine nature ne sont pas la seule raison qui peut embêter un biathlète qui souhaite s’entraîner dans le coin. «Il y a tellement de moustiques là-bas!, a grimacé Ukaleq. Pour pouvoir faire du tir convenablement, il faut porter un filet devant le visage pendant que tu t’entraînes sur les cibles, parce que sinon ils entrent dans tes oreilles et ta bouche. C’est juste horrible. Mais peut-être que c’est bon pour la concentration, du coup…»
L’Union biathlète internationale (IBU) a accepté le Groenland dans son giron il y a vingt ans seulement. Depuis, 18 athlètes ont représenté le gigantesque pays de 2,166 millions de km2 - c’est 52 fois et demie plus grand que la Suisse (pour moins de 60’000 habitants - c’est 152 fois et demie moins que la Suisse) – au niveau international et mondial. Aux Jeux, les Groenlandais doivent courir officiellement sous les couleurs danoises. Ukaleq a toutefois pu afficher ses racines en Chine, en portant des marques traditionnelles Tunniit sur sa combinaison lors de la course disputée à Zhangjiakou.
De quoi lancer des vocations, dans le pays de la «terre verte»? C’est l’avis de l’ambitieuse présidente/maman/ancienne secrétaire de la coureuse: «Chez nous, vous avez le droit de chasser dès l’âge de 12 ans et manipuler une arme, on a ça dans le sang. On est un pays où il y a pas mal de neige, donc on a forcément des skieurs de fond. Dès que nous aurons pu enfin construire un pas de tir correct, l’intérêt sera directement beaucoup plus grand que maintenant.» Ça permettra d’agrandir encore un peu la famille.