Hockey sur glaceLe meilleur gardien du monde raconte son combat contre l’alcool
Dans un long entretien au site «The Athletic», Carey Price révèle ses problèmes de consommation et le chemin accompli pour les vaincre.
- par
- Emmanuel Favre
Pendant 15 ans, Carey Price (35 ans) a appartenu au cercle restreint des meilleurs gardiens de la planète. Dans sa carrière - qui n’est pas officiellement terminée -, le premier choix du Canadien de Montréal au repêchage de 2005 a presque tout gagné. Notamment l’or olympique avec le Canada, la Coupe du monde avec la nation à la feuille d’érable, le Trophée Hart (MVP) de la NHL, le Trophée Vézina (meilleur gardien) de la NHL, le Trophée Jennings remis au portier ayant accordé le moins de buts en NHL, le Trophée Lindsay attribué au meilleur joueur de NHL désigné par les joueurs, le Trophée Masterton décerné au joueur ayant affiché le plus de persévérance…
A son impressionnante collection, il ne manque qu’une Coupe Stanley, frôlée en 2021 lorsque Montréal s’était incliné en finale contre le Lightning de Tampa Bay.
Quelques semaines après ce revers, Carey Price, qui a grandi en Colombie-Britannique dans une communauté des Premières Nations, avait à la surprise générale recouru au programme d’aide mis en place par la NHL et l’Association des joueurs. Un programme auquel font généralement appel les joueurs confrontés à des problèmes de dépendance ou de santé mentale.
Blessé à long terme
De surcroît confronté à une blessure récurrente à un genou, Carey Price n’avait disputé que 5 matches en 2021-2022 et est inscrit sur la liste des blessés à long terme depuis le début de la campagne 2022-2023. S’il entretient l’espoir de revenir un jour au jeu, il admet que les probabilités sont rachitiques.
Écarté des patinoires, le gardien étoile a choisi de révéler la raison qui l’avait conduit à solliciter de l’aide il y a douze mois. Dans un échange avec le journaliste Arpon Basu, employé à l’antenne montréalaise du site theathletic.com, la figure emblématique de 15 dernières saisons de l’organisation la plus titrée de l’histoire (24 Coupes Stanley) avait été englué dans un un problème de consommation d’alcool. «Je savais que j’arrivais au 18e trou (de sa carrière), a-t-il imagé. Je n’étais pas heureux, je n’étais pas un bon père. Je buvais beaucoup. J’ai atteint le point où j’ai réalisé que je n’avais plus de plaisir à faire ça.»
Dans ce long entretien empli d’émotions, il a ajouté: «Je sentais que j’arrivais à un point dans ma vie où je devais prendre une décision. Et l’abus de substances est un problème très important dans les communautés des Premières Nations (ndlr: les peuples autochtones du Canada). J’ai des amis et des membres de ma famille qui en sont morts. Donc, j’aurais pu faire ça en privé. Personne ne l’aurait jamais su. Mais en fin de compte, je me suis dit que si j’y faisais face, je pourrais donner l’exemple et montrer qu’il n’y a pas de mal à demander de l’aide. Peut-être que j’aurais pu en sortir et arrêter par moi-même. Oui, peut-être. Mais au bout du compte, je voulais pouvoir montrer que c’est normal de demander de l’aide.»
Après être resté plusieurs semaines dans un centre spécialisé, Carey Price est passé par plusieurs étapes. «Les trois premiers mois après avoir quitté le centre, c’était comme quelque chose de nouveau, j’étais fébrile, a-t-il raconté. Mais les six mois suivants, ça me revenait souvent à l’esprit, j’y pensais beaucoup. Je ne veux pas dire que j’étais prêt à abandonner, je peux cependant comprendre pourquoi le taux de réussite n’est pas si élevé. Mais j’ai aussi mes enfants à la maison tous les jours. Et je me suis dit, si ce n’est pas pour eux, alors… avant tout, fais-le pour toi-même. Mais je regarde mes enfants tous les jours et le fait de pouvoir ne plus perdre de matinées de ma vie et de pouvoir me réveiller le dimanche matin et leur préparer des crêpes est quelque chose de très enrichissant pour moi.»
Aujourd’hui, il est fier de sa métamorphose: «Ces derniers mois, surtout les deux derniers mois, j’ai assisté à des mariages, à des fêtes d’équipe et des choses comme ça. Je pense qu’une fois que tu as surmonté ta propre anxiété sociale, c’est là que tu commences à te sentir à l’aise d’être toi-même. Parfois, je me sens maladroit socialement et j’ai l’impression d’avoir utilisé l’alcool comme une sorte de béquille. Ces derniers temps, j’ai l’impression que je suis bien en étant moi-même, sans boire, en étant à mon aise, en étant présent.»