VaudTraite d’êtres humains: 4 ans ferme pour la mère maquerelle
La Nigériane, qui conteste avoir exploité sa compatriote en la mettant sur le trottoir à Lausanne, écope de 4 ans de peine privative de liberté.
- par
- Evelyne Emeri
La filière nigériane pour atterrir sur un trottoir en Europe, en l’occurrence à Lausanne, n’est pas nouvelle. Victoria*, 33 ans, en est une des multiples victimes, piégée dans son pays par un recruteur, ensorcelée par le rituel de magie noire «juju» (ndlr. rognures d’ongles, cheveux et poils pubiens prélevés), puis récupérée par une mère maquerelle en Italie (Vénétie) après un voyage migratoire terrifiant, la séquestration en Libye, Lampedusa, les coups et les camps à Rome. Et une nouvelle vie, non pas meilleure comme on le lui promettait, mais un quotidien de prostitution durant presque deux ans entre mars 2016 et fin 2017/début 2018 dans les quartiers chauds de Sébeillon et de Sévelin. Amina*, 39 ans, son bourreau a été jugée ce lundi 19 décembre.
Proc suivi par les juges
Aujourd’hui 23 décembre, le Tribunal correctionnel d’arrondissement de Lausanne a rendu sa sentence et abondé dans le sens du procureur Eric Mermoud. Comme requis par le magistrat, ce sera bien 4 ans ferme à l’encontre de la prévenue, 180 jours-amende à 15 francs le jour et une expulsion obligatoire du territoire pour une durée de 15 ans pour traite d’êtres humains, incitation à l’entrée et au séjour illégal mais encore blanchiment d’argent pour avoir transféré, entre août 2015 et janvier 2018 depuis la Suisse vers le Nigeria, près de 25 000 francs provenant de l’argent de la traite. La mère maquerelle est aussi condamnée à verser 25 000 francs à titre de tort moral à sa proie vulnérable. Les frais de justice à hauteur de 35 000 francs lui incomberont également.
Culpabilité écrasante
Pour les juges lausannois, la culpabilité d’Amina est écrasante. Bien qu’accablée par des preuves irréfutables dont deux témoignages accablants et des descentes de police, elle n’a eu de cesse de nier, pendant l’instruction et aux débats, toute implication dans cette affaire de marchandisation de la personne. Elle n’est coupable de rien, elle ne s’est jamais elle-même prostituée avec Victoria et d’autres. Et si on l’apercevait dans les secteurs de prostitution de Lausanne, c’est parce qu’elle faisait des tresses africaines et vendait des vêtements. Le déni dans lequel s’enferre l’accusée n’a de loin pas convaincu la Cour correctionnelle qui croit la seule version de la plaignante, parfaitement crédible.
Réduite au rang d’objet
«Elle est précise, elle est sincère. Deux témoins attestent de son récit glaçant. Et il y a son petit carnet où Victoria notait ses gains pour prouver qu’elle reversait tout (ndlr. sous-entendu à sa «mama», sa mère maquerelle). Elle a clairement été victime de contrainte. Le Tribunal retient intégralement ses déclarations», note la présidente Anne-Florence Cornaz Genillod au moment de la lecture du jugement. Plus loin: «On a affaire au catalogue le plus sordide du Code pénal. Amina a maintenu cette femme sous sa coupe et l’a réduite au rang d’objet. À sa décharge, on ne pourra que retenir un passé similaire à celui de Victoria».
En détention provisoire depuis 13 mois, l’accusée par la voix de son avocat Me David-André Knüsel pourrait bien faire appel de sa condamnation. L’avocat de la défense avait plaidé l’acquittement au bénéfice du doute et «faute d’éléments suffisants».
*Prénoms d’emprunt