ÉnergieSeule, la Suisse risque une mégapanne d’électricité
L’échec de l’accord avec l’UE force le pays à trouver de nouvelles solutions énergétiques. EconomieSuisse veut rouvrir le débat sur le nucléaire.
L’échec de l’accord-cadre avec l’Union européenne met en péril l’approvisionnement en électricité, selon un rapport du Conseil fédéral publié la semaine passée. «Il pourrait y avoir une pénurie dans un avenir proche, avec une panne soudaine des grandes centrales électriques du pays et celles à l’étranger», indique la «NZZ am Sonntag». La sortie du nucléaire, ainsi que l’électrification croissante des moyens de transport et de la production de chaleur ajoutent encore au problème d’importation pour les décennies à venir. En hiver, la Suisse pourrait ainsi être privée d’électricité pendant deux jours.
L’idée de petites centrales à gaz
Powerloop, une association du secteur de l’énergie, propose une solution à ce problème d’approvisionnement: construire de façon échelonnée environ 2000 petites centrales à gaz réparties sur une grande partie du territoire national. Leur technologie, appelée couplage chaleur-force (CCF), produit de l’électricité et de la chaleur – idéal pour l’hiver. Les centrales, composées d’un ou plusieurs petits conteneurs qu’on peut disposer dans des entrepôts ou des zones industrielles, seraient contrôlées de façon centralisée et pourraient être mises en route très vite si besoin. La technologie est éprouvée, et déjà 950 de ces petites centrales à gaz sont en service en Suisse. Le plein développement du système, prévu pour 2050, atteindrait un pic de production semblable à celui des centrales nucléaires actuelles.
Proposition largement soutenue
Powerloop a reçu un large soutien. Le conseiller national Roger Nordmann (PS/VD) qualifie ainsi cette proposition de «prometteuse». Les compagnies d’électricité aussi soutiennent l’idée, saluant l’intérêt pour la sécurité de l’approvisionnement, note Philip Mäder, porte-parole de Swisspower, alliance de 22 services publics municipaux qui alimente un million de personnes en électricité. Et pour Konstantinos Boulouchos, professeur à l’Institut des technologies de l’énergie de l’EPFZ, «la transition énergétique ne peut fonctionner que s’il existe un système de secours activable rapidement».
Les centrales coûteraient au total 3,4 milliards de francs. C’est peu en comparaison des coûts d’une panne de courant, estimée entre 3 et 4 milliards par jour, selon le Conseil fédéral. Powerloop propose de financer ce coût par une surtaxe sur les factures d’électricité. «Pour une famille de quatre personnes, cela représente environ 10 francs par an», estime son directeur, Kurt Lüscher.
Berne prépare le scénario catastrophe
A côté de la pandémie actuelle, le scénario d'une pénurie d'électricité est considéré comme la plus grande menace actuelle pour l'approvisionnement de la Suisse. Et Berne se prépare à des pannes d’électricité dramatiques. La Confédération a ainsi envoyé des brochures sur de possibles mesures en cas de pénurie d’électricité à quelque 30'000 entreprises du pays, rapporte ainsi la «NZZ am Sonntag». Le Conseil fédéral y indique qu’il pourrait les obliger à réduire leur consommation d'électricité d'un certain pourcentage si une telle pénurie devait avoir lieu.
Selon la brochure, la première mesure prise serait d’en appeler à la population pour réduire sa consommation. Dans un second temps, l'exploitation d’installations telles que piscines, systèmes de climatisation ou escaliers roulants pourrait être interdite. L’imposition de quotas aux entreprises ne serait que la troisième étape du plan. La Confédération invite donc aussi leurs dirigeants à réfléchir à la manière dont ils peuvent économiser de l'électricité.
Débat relancé sur le nucléaire?
Christoph Mäder, président d’EconomieSuisse, souhaite rouvrir la discussion sur la construction de nouvelles centrales nucléaires. Cela afin d’assurer l’approvisionnement électrique à l’avenir. Interviewé par la «SonntagsZeitung», il ne prévoit pas que le pays construise de nouvelles centrales nucléaires telles que celles actuellement en service. Il estime toutefois qu’il serait «stupide» que la Suisse ferme la porte à de futures technologies nucléaires.
Selon lui, la décision populaire, en 2017, d’interdire la construction de nouvelles centrales atomiques était une erreur. Il est maintenant urgent, pour lui, d’étudier «si et comment les dispositions réglementaires pourraient être modifiées afin que l’approvisionnement en électricité puisse être assuré pour nous et pour les générations futures».