Urgences débordées«Bien sûr, c’était bénin. Mais où pouvions-nous aller sinon?»
De plus en plus de gens se tournent vers les urgences, faute de trouver un médecin ou un pédiatre pour les soigner.
Mieux vaut ne pas être malade ces jours. En effet, avec les fêtes, le personnel soignant dans les hôpitaux, déjà insuffisant en temps normal, manque cruellement et nombre de médecins de famille et pédiatres sont en vacances. Du coup, les hôpitaux de tout le pays font face à un afflux massif de patients aux urgences et certains commencent à bloquer les admissions, faute de lits disponibles.
Pourtant, il n’y a parfois pas d’autres solutions que de se rendre aux urgences. Nos confrères de 20 Minuten citent notamment le cas d’un père dont le bébé a souffert d’une forte fièvre pendant plusieurs jours à Noël. Il ne voulait pas aller à l’hôpital, mais neuf pédiatres sur 10 étaient en congé dans sa région. Tous l’ont redirigé sur l’hôpital pour enfants du coin qui, surchargé, l’a redirigé à son tour sur les urgences.
Même topo pour une maman d’un enfant de 13 mois qui ne cessait de pleurer, qui devant l’indisponibilité des médecins qu’elle a contactés, s’est résolue à se rendre à l’hôpital pour enfants. «Bien sûr, c’était bénin. Mais où pouvions-nous aller sinon?», demande-t-elle.
Le manque de pédiatres ne surprend pas le président de Pédiatrie Suisse Philipp Jenny. «On comptait sur le fait que suffisamment de personnel viendrait de l’étranger. Mais il est évident que cela ne fonctionne pas», dit le pédiatre qui doit désormais gérer une liste d’attente pour la première fois depuis 20 ans. Selon l’Organisation suisse des patients, nombre de praticiens refusent désormais aussi des enfants.
Le problème s’aggrave
La Suisse manque en général de personnel médical et le problème s’aggrave, constate également «Blick» jeudi. Selon une étude du cabinet de conseil PWC, il manquera 45’000 travailleurs dans le secteur de la santé en 2040. La Suisse tente donc d’augmenter le nombre de places d’études en médecine de famille ou de revaloriser le métier d’infirmière. Mais cela ne suffira pas, écrit le journal.
«Autrefois, la Suisse a préféré importer des médecins au lieu de former elle-même ses spécialistes. Parce qu’on voulait économiser les coûts des études de médecine», critique Paul Sailer, de PWC. «Cette stratégie a atteint ses limites». Et plus d’argent n’aidera pas, selon la conseillère nationale Ruth Humbel (C/AG). «Les augmentations de salaire conduisent souvent les infirmiers à réduire leur temps de travail», explique-t-elle. «Peut-être faudrait-il dès lors lier les hausses ou des allocations de crèche aux taux d’occupation?»
Système trop complexe et pas assez numérisé
Selon la conseillère nationale Ruth Humbel (C/AG), il faudrait simplifier le système de santé suisse, très complexe puisque géré par 26 cantons avec des financements issus de plusieurs sources. Et surtout numériser un maximum via le dossier électronique du patient (DEP), toujours pas opérationnel et mal ficelé. «Une assistante m’a raconté que lorsqu’elle reçoit un nouveau patient, elle passe la moitié de l’après-midi à téléphoner aux médecins pour connaître l’histoire de sa maladie», dit-elle. Un avis partagé par Paul Sailer: «Nous avons la collection de PDF la plus chère du monde», critique-t-il.
Le nombre excessif d’interventions et de consultations est également pointé du doigt. Selon Ruth Humbel, il existe aujourd’hui un besoin de sécurité de la part de la population qui va «au-delà du bon sens». En outre, il y a un manque d’informations sur le système. «Les migrants ou les expatriés ne comprennent pas comment cela fonctionne chez nous. Nous pourrions faire nettement mieux», estime aussi l’ancien médecin cantonal bâlois Thomas Steffen.