Espagne: la «loi transgenre» divise la gauche et les féministes

Publié

EspagnePresque adoptée, la «loi transgenre» divise la gauche et les féministes

D’ici peu, l’Espagne pourrait autoriser l’autodétermination du genre via une déclaration administrative. Podemos et socialistes ne sont pas d’accord sur tout, des femmes craignent un «recul brutal» de leurs droits.

Destiné à donner le droit à l’autodétermination du genre, le texte prévoit également d’ouvrir cette possibilité aux 12-16 ans sous certaines conditions, notamment s’ils sont accompagnés par leurs représentants légaux, à l’image de ce jeune manifestant, entouré par ses parents, en novembre dernier, à Madrid.

Destiné à donner le droit à l’autodétermination du genre, le texte prévoit également d’ouvrir cette possibilité aux 12-16 ans sous certaines conditions, notamment s’ils sont accompagnés par leurs représentants légaux, à l’image de ce jeune manifestant, entouré par ses parents, en novembre dernier, à Madrid.

REUTERS

Le projet de loi sur les droits des personnes transgenres, soumis au vote des députés espagnols, jeudi, a créé une véritable fracture au sein de la gauche au pouvoir et du mouvement féministe. Projet emblématique du parti de gauche radicale Podemos, partenaire des socialistes du Premier ministre Pedro Sanchez au sein du gouvernement, cette «loi trans», comme elle est appelée en Espagne, passera ensuite au Sénat.

Si elle est adoptée, comme prévu, dans les prochaines semaines, elle fera de l’Espagne l’un des quelques pays au monde autorisant une telle autodétermination du genre via une simple déclaration administrative. «Les personnes trans et la communauté LGTBI+ ne peuvent plus attendre la reconnaissance de tous leurs droits. Nous n’allons pas accepter un seul recul», avait prévenu, en octobre, la ministre de l’Égalité Irène Montero, représentante de Podemos, en se disant prête à «laisser sa peau» pour faire adopter ce texte.

Destiné à «dépathologiser» la transidentité, il permettra concrètement de faire changer son nom et son genre sur ses papiers d’identité dès 16 ans, sans avoir à apporter un rapport médical attestant d’une «dysphorie de genre» ou la preuve d’un traitement hormonal. Il prévoit également d’ouvrir cette possibilité aux 12-16 ans sous certaines conditions, notamment s’ils sont accompagnés par leurs représentants légaux. Un point qui a fait l’objet de longues négociations au sein du gouvernement.

Atteinte aux droits des femmes, risque de transphobie

Avancée majeure ou recul «antiféministe»? Ce texte, rejeté dans son intégralité par la droite, a en effet mis à jour des divisions entre partenaires de la coalition, mais aussi au sein du mouvement féministe. Plusieurs figures féministes reconnues ont ainsi estimé que ce projet de loi portait atteinte aux droits des femmes et pouvait entraîner des problèmes pour les jeunes, suscitant en retour des accusations d’activisme «antitrans», voire de transphobie.

Avec ce projet de loi, «on introduit un cheval de Troie au sein du mouvement féministe», estime ainsi Lola Venega, porte-parole de l’Alliance contre l’effacement des femmes, qui craint que l’autodétermination du genre n’entraîne un «recul brutal» des droits des femmes. Avec ce texte, des personnes de sexe masculin changeant de genre vont «pouvoir participer à des compétitions sportives féminines», mais aussi «entrer dans des prisons pour femmes» ou «dans des centres pour femmes violées». On ne peut pas laisser «les gens s’autodéterminer», insiste-t-elle.

En justice pour les 12-14 ans, pas pour les 14-16 ans

Les opposants au texte s’inquiètent également du droit à l’autodétermination octroyé aux moins de 16 ans. Ce dernier nécessite en effet le feu vert de la justice entre 12 et 14 ans, mais pas entre 14 et 16 – au grand dam du Parti socialiste (PSOE), qui avait introduit un amendement en ce sens, finalement rejeté.

À l’intérieur même du PSOE, le texte a fait débat et donné lieu à des tensions, avec le départ surprise, en octobre, de la militante LGBT Carla Antonelli, première transgenre élue dans un parlement régional en Espagne, qui a claqué la porte du mouvement après des décennies d’adhésion. «Le socialisme, s’il n’est pas courageux, n’est pas du socialisme», a-t-elle alors écrit sur Facebook, exprimant «une profonde déception» vis-à-vis du parti de Pedro Sanchez face au «cauchemar dantesque» de la «transphobie».

Luttes internes, mais rupture «peu probable»

Pour Pablo Simón, politologue à l’université Carlos III de Madrid, ces passes d’armes sont le reflet de la «lutte de pouvoir interne» au sein de la gauche, entre Podemos et les socialistes, à un an des élections législatives, mais aussi des tensions qui agitent le «Parti socialiste» et le «mouvement féministe» sur ce sujet. «Il est probable que si le ministère de l’Égalité n’avait pas été aux mains de Podemos», les féministes «n’auraient pas soulevé autant d’objections», estime le chercheur.

Selon Pablo Simón, il semble peu probable toutefois que ces tensions débouchent sur une rupture politique, les deux partis, qui ont besoin l’un de l’autre pour se maintenir au pouvoir, «ayant décidé d’aller ensemble au bout de la législature», qui s’achève fin 2023.

Soucis liés à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre?

Soucis liés à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre?

(AFP)

Ton opinion