Ski alpinDidier Défago: «On est peut-être arrivé à la limite»
Après la série de chutes de Wengen, le champion olympique 2010, devenu architecte de pistes, estime qu’une «réflexion doit être faite», et que celle-ci doit concerner tous les acteurs.
- par
- Renaud Tschoumy
Champion olympique en février 2010, le Valaisan Didier Défago sait ce que le verbe «se blesser» signifie. Quelques mois après devenu le seigneur des anneaux à Vancouver (Canada), il subissait une grave blessure à l’entraînement, alors qu’il préparait la saison 2010/2011. Verdict: déchirure du ligament croisé antérieur, élongation du ligament latéral interne du genou gauche, opération et saison terminée avant même d’avoir commencé.
De fait, les trois graves blessures enregistrées en fin de semaine à Wengen – Marco Kohler jeudi lors de la descente raccourcie, Alexis Pinturault vendredi en Super-G et Aleksander Aamodt Kilde samedi lors de la «vraie» descente du Lauberhorn – ne l’ont pas laissé insensible.
Didier Défago, que vous inspirent ces chutes à répétition?
Je me dis qu’on est peut-être arrivé à une limite qu’on ne pensait pas forcément atteindre il y a quelques saisons. Et il s’agit d’en tirer les enseignements qui conviennent. Mais on a clairement vu la semaine passée que le programme était très, voire trop chargé. Trois épreuves de vitesse de suite, auxquelles il faut ajouter les entraînements, ça fait beaucoup, surtout à Wengen, sur la piste la plus longue de la saison. Je me souviens qu’on avait eu le même cas de figure la saison passée à Bormio.
Vous parlez d’enseignements à tirer. Lesquels?
Il s’agit de se poser les bonnes questions. Quand on annule cinq épreuves en début de saison, la pression des nations se fait grande. Toutes veulent pouvoir rattraper ces courses. Mais à quel prix? La FIS vient de décider que les futures courses annulées ne seraient pas reprogrammées. Mais quelles seront les réactions à ce moment-là? Je me pose la question. Quoi qu’il en soit, une réflexion doit être faite, et elle concerne chacun des acteurs de la Coupe du monde, des décideurs aux skieurs.
Vous qui avez connu les sommets, mais aussi des moments de galère, quel regard portez-vous sur ces trois chutes successives?
Cela ne fait jamais plaisir de voir des collègues tomber et se blesser, même si l’on sait que les risques font partie de notre sport. Certains roulent à 350 km/h dans des bolides, les cyclistes descendent à près de 100 km/h sur des boyaux de quelques millimètres de large: eux aussi prennent des risques. Maintenant, les chutes de Wengen n’ont pas toutes été provoquées par la même chose. Par exemple, Pinturault a commis une faute sur la bosse et c’est clairement ce qui l’a fait tomber. Quant à Kilde, il semblerait qu’il était souffrant avant les courses. Il a certainement manqué de force après les quelque deux minutes et demie de course.
Que peut-on faire pour éviter qu’une telle série noire ne se reproduise?
Des chutes, il y en a toujours eu, et il y en aura toujours. Cela fait partie du ski alpin. Maintenant, il faut réfléchir à la meilleure manière de ne pas mettre la santé des skieurs en jeu. On ne peut pas éternellement surcharger un calendrier, c’est une évidence. Mais on doit aussi penser au spectacle: les images que l’on a vues ce week-end – je ne parle pas des chutes – étaient tout simplement superbes. D’où ce que je vous disais en début d’entretien: on doit réfléchir, discuter et tirer les enseignements qui conviennent