FootballL’individualisation de la performance doit rendre le collectif suisse meilleur
L’équipe de Suisse peut compter sur de nouveaux préparateurs physiques et nutritionnistes. Le travail spécifique doit être encore plus poussé pour optimiser la performance.
- par
- Valentin Schnorhk Bâle
En équipe de Suisse, il y a désormais un rituel: après chaque entraînement, les joueurs passent au «bar». Les tenanciers? Heliodoro Moya Amaya et Antonio Molina Lopez. Deux Espagnols. Mais ils ne sont pas du genre à vous servir une cerveza. Leur spécialité n’est pas la bière, mais des boissons de récupération. Ils vous accompagnent cela de fruits. Du moins, si vous êtes joueurs de l’équipe nationale. Ils doivent tous passer par là.
Sur la table, chaque shaker est personnalisé. Chaque international a le sien, avec son nom inscrit dessus. En fonction des besoins, et des goûts des uns et des autres. Ainsi, depuis ce rassemblement de mars, la sélection a pris le pli de l’optimisation des performances. Elle passe par l’individualisation des pratiques. Cela concerne notamment l’alimentation. L’ASF s’est ainsi attaché les services des deux nutritionnistes précités, ainsi que du cuisinier italien Francesco Baraldo Sano (qui accompagnera Emil Bolli, présent de longue date). Les trois «nouveaux», qui travaillent notamment pour l’Udinese ainsi que Watford, œuvreront lors des rassemblements de l’équipe nationale.
Mais ce n’est qu’un aspect de la modernisation du staff de la sélection helvétique. Elle peut désormais compter sur un préparateur physique à temps plein, en la personne d’Eduardo Parra Garcia. «Pierluigi Tami m’a contacté, et nous avons échangé sur différentes thématiques, explique l’Espagnol de 43 ans. Il m’a exposé le projet qu’il avait et je suis très heureux d’être là aujourd’hui.»
Une expérience de club
Le Galicien d’origine peut témoigner d’une grande expérience dans le football de très haut niveau, lui qui a notamment travaillé pour plusieurs clubs européens, après avoir commencé chez lui au Celta Vigo il y a une quinzaine d’années: il a ainsi accompagné Rafael Benitez à l’Inter Milan, au Real Madrid ou encore à West Ham, il a aussi été en fonction en Russie à l’Anzhi Makhachkala avant de côtoyer Christophe Galtier à Lille ou à Nice.
«J’ai un peu tout fait, expose-t-il. Je me suis à la fois occupé de l’accompagnement des joueurs blessés, du rôle de préparateur physique ou, dernièrement, j’étais plus focalisé sur la performance. J’ai pu me confronter à beaucoup de contextes différents, en travaillant avec plusieurs entraîneurs. Il y a toujours à quelque chose à apprendre.» C’est sa connaissance aiguisée du football de pointe en club qui a motivé son engagement: une approche poussée et scientifique de la performance qui n’a pas beaucoup de spécialistes en Suisse et qui justifiait de se tourner vers l’étranger. Eduardo Parra Garcia est ainsi accompagné de José Luis Estevez Rodriguez, également un Espagnol, pour l’assister.
Contrairement à son prédécesseur Oliver Riedwyl, qui n’était en fonction que lors des stages de l’équipe nationale, Parra Garcia a un cahier des charges élargi. «Je ne suis pas là seulement pour l’entraînement, détaille l’Espagnol. Mon travail est global: il concerne tout ce qui est lié à la performance. Il implique ainsi d’avoir une communication directe avec les clubs dans lesquels évoluent les joueurs, pour être sûrs que les informations soient transmises. Entre chaque rassemblement, je suis là pour tout planifier, en étant au courant des charges d’entraînements et de matches de tous les joueurs.» S’il continuera à vivre en Espagne, le nouveau préparateur physique sera souvent en voyage, en Suisse et ailleurs, pour être auprès des clubs.
L’impulsion de Tami
Son travail auprès de l’équipe de Suisse ne fait que commencer. Mais il est déjà visible: à l’entraînement, les mises en train sont plus variées et incluent plus de travail avec ballon. «Ma méthodologie est basée sur le football, insiste Eduardo Parra Garcia. Elle se veut très spécifique, orientée sur les besoins individuels de chaque joueur, en fonction de ses points forts et ses points faibles. Nous devons prioriser selon les caractéristiques de chacun. C’est quelque chose que nous avons commencé à faire, en demandant beaucoup d’informations aux clubs, lesquels sont très réceptifs.»
L’impulsion vient notamment de Pierluigi Tami, le directeur des équipes nationales. Il explique sa démarche: «Après la Coupe du monde, j’ai été convaincu que nous devions améliorer les relations avec les clubs, ainsi que mieux faire en matière de performance, en s’appuyant sur les données scientifiques, en effectuant des tests. C’est quelque chose d’important pour nous professionnaliser encore plus.»
Depuis le début de la semaine, donc, la nouvelle cellule de performance est sollicitée: «Nous travaillons directement avec les nutritionnistes, confirme Parra Garcia. La seule chose que nous ne faisons pas ensemble, c’est dormir. Mais nous sommes en contact constant. Nous nous partageons beaucoup d’informations, nous faisons des tests sur l’hydratation, la récupération. Les joueurs sont comme des Formule 1: ils doivent avoir le meilleur carburant possible. Les nutritionnistes s’occupent de ça, et moi je fais en sorte qu’ils soient bien sur le terrain.»
Ce travail, inhérent à la vie des clubs de haut niveau, est forcément différent en sélection, où les périodes sont plus courtes. «Mais tous ces aspects seront encore plus importants lors des grands tournois», promet Pierluigi Tami. Vivement l’Euro 2024.