Qatar 2022«Yassine Bounou avait déjà cette détermination dans tout ce qu’il faisait»
Michel Decastel a lancé la carrière professionnelle du gardien marocain, révélation de la Coupe du monde au Qatar. Le technicien neuchâtelois se souvient.
- par
- Jérémy Santallo
«Quarante millions de Marocains sont aujourd’hui heureux grâce à vous. Merci pour tout ce que vous avez fait. En vous parlant, j’ai les larmes aux yeux. Vous avez écrit l’histoire. Merci!» Non, ces propos rapportés par le quotidien Libération après la qualification aux tirs au but du Maroc face à l’Espagne en 8es de finale ne sont pas ceux d’un fan sur les réseaux sociaux. Ce sont ceux d’un journaliste marocain, subjugué au sein d’une salle de presse, qui n’avait juste pas envie de poser de question au héros du jour. Mais plutôt de rendre un vibrant hommage à «Bono», de son surnom qu’il a glissé derrière son maillot pour cette Coupe du monde.
Avec son sélectionneur des Lions de l’Atlas, Walid Regragui, qui passait presque pour un inconnu avant ce Mondial 2022, Yassine Bounou est devenu le symbole de la révélation marocaine au Qatar. C’est simple, à part une déviation d’un compatriote dans ses filets – et encore il a failli la sortir… –, personne ne lui a mis un but en cinq parties. C’est lui qui a écœuré les Espagnols en arrêtant trois tirs au but pour propulser son pays en quart. Élu homme du match, le portier de 195 cm a de nouveau brillé de mille feux – et conservé son titre – quelques jours plus tard face au Portugal (1-0). Mais dans un élan d’altruisme, il a offert son trophée à Youssef En-Nesyri, l’unique buteur.
Il est comme ça Yassine Bounou. Le cœur sur la main et son large sourire en bandoulière, qu’il baladait déjà à 19 ans lors de ses débuts chez les professionnels, en 2010. Alors entraîneur de Wydad AC, Michel Decastel a découvert puis lancé le jeune gamin de Casablanca – mais né au Canada – devant 80’000 personnes un soir de finale retour de Champions League africaine. Le Neuchâtelois ouvre la boîte à souvenirs. «Notre gardien titulaire s’était blessé alors on avait pris le pari d’envoyer Yassine. C’est un super gars. Je me souviens d’un camarade très axé sur l’équipe hors du terrain. Et puis il y a son sourire, qui m’a marqué. Il avait une joie très communicative.»
On demande à l’ancien entraîneur de Neuchâtel Xamax et du FC Sion s’il est quelque peu surpris d’observer «Bono» exploser ainsi sur le devant de la scène à Doha. Il n’hésite pas un instant. «Pas du tout. Déjà à l’époque, il aimait s’entraîner énormément. Tu sentais qu’il voulait réussir dans le foot. Il était toujours présent 30 à 45 minutes avant et faisait des entraînements spécifiques avant de rejoindre le collectif. Il avait énormément de détermination dans tout ce qu’il faisait. Et puis il avait une stature. Il était déjà grand, à l’aise dans les sorties aériennes et très bon sur sa ligne de but. Il lui manquait juste un peu d’expérience pour apprendre à diriger une défense.»
Plus fort que Courtois
Cette expérience qui ne s’achète pas, Yassine Bounou a été l’acquérir du côté de l’Atlético Madrid lors de son départ du Maroc à l’été 2012. Passé ensuite par Saragosse (D1) puis Gérone, il a véritablement éclos à Séville jusqu’à remporter l’Europa League en 2020 et devenir le meilleur gardien d’Espagne la saison passée – devant celui du Real Madrid Thibaut Courtois, excusez du peu. «Comme le Maroc, il fait une très grande Coupe du monde. Je vois bien des tirs au but encore contre la France, pronostique Michel Decastel, sans vouloir trop s’avancer sur l’identité du finaliste. Lloris est très fort, je l’aime bien aussi. Mais comme j’ai lancé Bounou, je pourrais pencher pour lui mercredi (sourire).»