FootballAnalyse: Comment Carouge avait créé l’exploit contre Bâle
Face à Saint-Gall mercredi soir en Coupe de Suisse, Etoile Carouge devrait s'inspirer de la recette qui lui avait permis d’éliminer Bâle au tour précédent (1-0).
- par
- Brice Cheneval
Il fallait observer la réaction de Thierry Cotting au coup de sifflet final d’Étoile Carouge - Bâle (1-0), le 27 octobre, pour comprendre à la fois la beauté et la souffrance du métier d’entraîneur. Au moment où l’arbitre entérinait la qualification de ses joueurs pour les quarts de finale de la Coupe de Suisse, le technicien genevois avait d’abord agité ses bras en l’air, dents et poings serrés, avant de rapidement pousser un ouf de soulagement.
Ce soir-là, l’ex-directeur technique de Team Vaud avait vécu la sensation ultime pour un membre de sa corporation: il avait assisté à l’application conforme du plan de jeu imaginé lors de la préparation du match. Le mérite de Thierry Cotting aura été de répondre aux forces et faiblesses bâloises avec des armes limitées à sa disposition. Celui des joueurs, de garder le cap malgré le contexte et la réalité du terrain. Retour sur une soirée de rêve.
Dominés mais pas attentistes
Il aurait été présomptueux de vouloir se lancer dans le combat pour le contrôle du ballon avec Bâle. Le leader de Super League affichait, à cette période de la saison, la plus haute possession de l’élite derrière Young Boys (56,1%). C’était aussi la troisième formation au PPDA (passes adverses par action défensive dans le camp adverse), principal indicateur de pressing. Les Rhénans aiment récupérer le cuir rapidement, haut, et installer leur domination territoriale.
Équipe moyenne de Promotion League, Carouge n’escomptait pas inverser le rapport de force dans ce domaine. Les Genevois savaient qu’ils seraient dominés et ils s’étaient préparés en conséquence. En phase défensive, ils s’articulaient autour d’un 4-4-2 à plat, où les ailiers Delley et Konan redescendaient à hauteur des milieux centraux (en l'occurrence Zoukit et Chappuis), avec l’idée de densifier l’axe et de réduire les espaces entre les lignes.
S’ils avaient volontairement laissé le ballon aux Bâlois (33% de possession), les Stelliens n’avaient pas fait preuve de passivité. «On n’était pas là pour rester devant notre but», résumait Thierry Cotting. Positionnés en bloc médian, ses joueurs avaient effectué un pressing ciblé. Celui-ci s’enclenchait sur le porteur lorsqu’il se trouvait dos au jeu, son opposant direct venant alors à son contact pour forcer une passe vers l’arrière. Du marquage préventif, en somme, destiné à empêcher le jeu rhénan d’avancer. D’ailleurs, c’est à la suite d’une action de ce type que Carouge avait obtenu le coup franc qui avait débouché sur le but de la qualification.
Cette approche s’était peu à peu diluée dans la dernière demi-heure. Émoussés, les Carougeois cherchaient avant tout à conserver le résultat et avaient donc reculé au fur et à mesure.
Des offensives contrôlées
Un exploit de ce type n’a aucune chance de se produire sans cohérence défensive, c’est un fait. Toutefois, ce seul ingrédient ne suffit pas, à moins de viser à tout prix les tirs au but. Encore faut-il établir un plan offensif. Face à Bâle, celui de Carouge était clair. L’idée? Exploiter les espaces délaissés par les Rhénans, conséquence de leur pressing haut et dense, tout en minimisant les risques.
Procédant essentiellement sur attaques rapides, les Carougeois avaient particulièrement ciblé certaines zones. Dans l’axe lorsque le champ était ouvert et, le cas échéant, sur les côtés. Le début de match avait offert une représentation presque caricaturale de ce deuxième aspect, avec des renversements de jeu systématiques. Ce souhait de porter la balle le plus vite possible à l’opposé de la densité bâloise revêtait un double objectif: créer du danger et éviter de perdre le cuir à des emplacements périlleux, susceptibles d’offrir des cartouches à l’adversaire.
Dans cette logique, Carouge avait largement eu recours au jeu long. Sa proportion de passes longues s’élevait à 19%, soit quasiment une transmission sur cinq. Largement supérieure à celle du FC Bâle (7%). La première rampe se nommait Damien Chappot. Sur les 31 passes qu’il avait réalisées, le gardien de 23 ans en avait effectuées 28 au-delà de son propre tiers. Son rôle s’était révélé essentiel puisque les Genevois profitaient de ses dégagements pour hausser leur bloc. Leur intention consistait à surcharger les zones de réception, afin de remporter les premiers puis deuxièmes ballons et ainsi amener le plus vite possible la menace près de la surface.
La prudence des Stelliens s’était également manifestée sur coup de pied arrêté, où pas plus de 5 à 6 joueurs se rendaient dans la surface, par crainte de se faire transpercer en contre. Paradoxalement, c’est sur l’une de ces phases de jeu qu’ils étaient parvenus à trouver la faille.
En conclusion, Étoile Carouge avait accepté la supériorité physique, technique et tactique du FC Bâle mais ne l’avait pas subie. Les joueurs de Thierry Cotting ‘étaient appuyés sur une stratégie préventive, où chaque décision visait à éloigner le danger. Ils avaient certes bénéficié d’une part de réussite, comme pour chaque exploit, mais celle-ci serait passée inaperçue en l’absence d’une grande performance collective. Il faudra en faire tout autant contre Saint-Gall pour croire à un nouveau miracle.