États-UnisAprès l’avortement, les Noirs et les gays dans le collimateur de la Cour suprême
Après avoir dynamité le droit à l’IVG, la haute cour entame, lundi, une nouvelle session. Elle pourrait se conclure par d’autres revirements explosifs.
Discriminations, droit électoral, immigration… plusieurs dossiers épineux sont au menu de la Cour suprême. Elle fait sa rentrée avec, pour la première fois de son histoire, une femme noire parmi ses juges. L’arrivée de Ketanji Brown Jackson, nommée par Joe Biden, ne modifie pas l’équilibre au sein du temple du droit américain: il conserve une solide majorité conservatrice de six juges sur neuf, dont trois choisis par Donald Trump.
En juin, la Cour suprême a révoqué l’arrêt qui garantissait depuis près de 50 ans le droit des Américaines à avorter, sacralisé le droit au port d’armes, renforcé la place de la religion dans la sphère publique et limité les pouvoirs de l’agence chargée de la protection de l’environnement. Ses décisions ont plongé la gauche dans le désarroi mais réjoui les milieux conservateurs.
«Racisme à l’envers»
L’arrêt qui a défini en 1978 le cadre légal pour les programmes de discrimination positive dans les universités pourrait être le prochain dans le collimateur de la Cour. Le 31 octobre, la haute juridiction consacrera en effet une audience aux mécanismes de sélection en place au sein de la prestigieuse Université Harvard et de l’Université publique de Caroline du Nord. Ces établissements, comme beaucoup d’autres, prennent en compte des critères ethniques pour assurer la diversité des étudiants et corriger la sous-représentation des jeunes noirs et hispaniques.
Ces politiques, parfois qualifiées de «racisme à l’envers», ont toujours fait l’objet de contestations à droite mais jusqu’ici, les recours ont toujours échoué. La Cour suprême a elle-même jugé à deux reprises que les universités pouvaient prendre en compte certains critères raciaux à condition qu’ils visent uniquement à assurer la diversité de la population étudiante. Elle semble désormais prête à faire marche arrière.
Droit de vote
Dans un autre dossier, la Cour suprême pourrait détricoter un volet de la loi emblématique de 1965 qui a mis fin aux règles ségrégationnistes limitant le droit de vote des Afro-Américains dans le Sud. Cette «loi sur les droits civiques» prévoit la possibilité de regrouper les électeurs noirs dans une circonscription pour assurer qu’ils aient quelques représentants. Mais il est illégal de trop les concentrer pour diminuer le poids de leur vote.
L’enjeu est d’importance dans un pays où les électeurs noirs votent majoritairement pour les démocrates, quand les électeurs blancs ont davantage tendance à soutenir les républicains.
Gâteau refusé à un couple gay
Cinq ans après avoir donné raison à un pâtissier chrétien qui ne voulait pas vendre un gâteau de mariage à un couple d’hommes, la Cour suprême reviendra également sur ce sujet sensible. Cette fois, elle pourrait autoriser plus largement les commerçants, dont les produits ont une nature «créative», à violer les lois anti-discriminations au nom de leurs convictions religieuses.
Si l’on suit cette logique, «des architectes pourraient refuser de dessiner des maisons pour des familles noires, des pâtissiers de faire des gâteaux d’anniversaire pour des enfants musulmans…», craint David Cole. D’ici au 30 juin, la haute cour devra également se prononcer sur les politiques d’expulsion des immigrés sans papiers, la peine de mort ou les politiques d’adoption des enfants amérindiens.