SyrieLes enfants du camp d’Al-Hol, «une génération perdue»
Médecins sans Frontières a publié un rapport où l’organisation dénonce l’inaction des pays occidentaux envers leurs ressortissants vivant dans le camp des familles de jihadistes.
Médecins sans Frontières (MSF) a souligné lundi le sort «tragique» des enfants du camp d’Al-Hol en Syrie, où sont détenues les familles des jihadistes, qui manquent de soins de santé et vivent dans la violence, déplorant «une génération perdue». Dans un rapport, MSF estime que la coalition internationale antijihadistes et les pays dont les ressortissants sont détenus dans le nord-est syrien «ont failli à leurs obligations» et appelle à la fermeture de ce camp.
Al-Hol est «une énorme prison à ciel ouvert, dont la majorité des détenus sont des enfants, souvent nés dans le camp, privés de leur enfance et condamnés à être exposés à la violence et l’exploitation, avec un accès aux soins limité, sans éducation et sans espoir», déplore la responsable des opérations MSF en Syrie, Martine Flokstra.
35% des décès sont des enfants
Sous administration kurde, le camp d’Al-Hol, délabré et surpeuplé, abrite plus de 50’000 proches de jihadistes après la défaite du groupe Etat islamique, des déplacés syriens et des réfugiés irakiens. Parmi eux figurent plus de 10’000 étrangers originaires d’une soixantaine de pays, dont des Français et d’autres Européens, logés séparément dans une partie du camp appelée «l’Annexe».
Selon MSF, la population d’Al-Hol compte 64% d’enfants, et 50% du camp a moins de 12 ans. «Nous avons vu et entendu beaucoup d’histoires tragiques», dans ce camp, indique Martine Flokstra. «Des enfants morts après avoir attendu trop longtemps une aide médicale d’urgence, des histoires de jeunes garçons arrachés à leurs mères une fois atteint l’âge de 11 ans, et plus jamais revus», détaille-t-elle. Le rapport évoque le cas d’un garçon de cinq ans, percuté par un camion, mort après avoir attendu pendant plusieurs heures l’autorisation d’être hospitalisé. Pour la seule année 2021, 79 enfants sont morts, selon l’ONG, qui précise que les enfants représentaient 35% du nombre total de décès dans le camp en 2021. Certains ont été tués dans des incidents violents, notamment dans des fusillades dans le camp où les attaques contre des gardes ou travailleurs humanitaires sont courantes.
Sans aucun espoir
Malgré les exhortations répétées de l’administration kurde, la plupart des pays occidentaux refusent de rapatrier leurs citoyens de ces camps, se contentant de rapatriements au compte-goutte par crainte d’éventuels actes terroristes sur leur sol. «Les membres de la Coalition internationale contre Daech (acronyme de l’EI) et les autres pays dont les ressortissants sont détenus à Al-Hol et d’autres centres de détention dans le nord-est syrien ont failli à leurs obligations», souligne MSF.
L’ONG les appelle à «prendre leurs responsabilités et trouver de nouvelles solutions pour les gens détenus dans le camp», déplorant qu’ils aient «retardé» ou «refusé» le rapatriement de leurs citoyens, allant jusqu’à «les déchoir de leur nationalité» dans certains cas. «Les efforts pour fermer le camp sont insuffisants», déplore MSF. «Plus la détention se prolonge à Al-Hol, plus la situation se dégrade, faisant place à une nouvelle génération vulnérable à l’exploitation et sans aucun espoir d’une enfance libre de toute violence», avertit Martine Flokstra.