Procès du 13-Novembre«Moi, je peux pas aller tuer des gens comme ça dans la rue»
Mardi, Mohamed A. s’est expliqué sur les raisons qui l’ont poussé à refuser de participer aux attentats du 13 novembre 2015, à Paris.
Il avait promis d’«éclairer» la cour. Pour la 101e audience du procès du 13-Novembre, Mohamed A. a commencé mardi à s’expliquer sur cette nuit de terreur, en assurant que son coaccusé Salah Abdeslam l’avait remplacé, quand il a lui-même renoncé à participer aux attentats. «Vous avez raison, Monsieur le président, bas les masques!» Debout dans le box, chemise blanche, Mohamed A. enlève le morceau de tissu recouvrant sa fine barbe noire, semblant prêt aux révélations annoncées sept jours plus tôt.
Il «confirme» ce qu’il avait alors dit: il était «prévu» dans les commandos jihadistes qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015, alors que Salah Abdeslam, principal accusé au procès, ne l’était «pas».
«Vous lui demanderez»
Deux mois avant les attaques, son ami d’enfance Abdelhamid A., chef opérationnel de cette tuerie de masse, lui annonce qu’il va «faire partie d’un projet». «Je ne sais pas que c’est le Bataclan, que c’est la France», s’empresse d’ajouter Mohamed A.
Il ne peut «pas dire non» à cet ami dont il se sent redevable. Mais très vite, selon le récit qu’en fait le Belge de 37 ans à la cour, il informe Brahim Abdeslam, futur tueur des terrasses et aîné de Salah Abdeslam, qu’il ne le «(fera) pas». «Moi, je peux pas aller tuer des gens comme ça dans la rue (…) attaquer des gens non armés», déclare Mohamed A.
Alors, comme il y a «un gilet explosif en plus», «une kalachnikov» en plus, Brahim Abdeslam s’est tourné vers son frère et lui a dit: «Voilà, tu fais partie du voyage»», affirme encore l’accusé. Et Salah Abdeslam accepte comme cela?, s’étonne la cour. «Vous lui demanderez» mercredi, lors de son interrogatoire, rétorque Mohamed Abrini.
Le président Jean-Louis Périès trouve toutefois «un peu curieux» que Mohamed A., tout en ayant renoncé aux attentats, participe aux ultimes préparatifs en accompagnant les frères Abdeslam pour louer planques et voitures. Pourquoi accompagner les commandos dans ce qu’il a lui-même qualifié de «convoi de la mort», parti de Bruxelles, le 12 novembre 2015, pour la région parisienne? Mohamed A. était rentré la nuit-même, en taxi comme il n’y avait plus de train.
«À cette époque, je suis perdu»
Ce retour a un «côté imprévu», souligne le président Périès, faisant des moues dubitatives aux explications confuses de l’accusé. «J’aimerais vous donner tant de réponses, Monsieur le président. Moi à cette époque, je suis perdu», répond Mohamed A., en se passant une main sur le front. «Pourquoi je fais ça ? Je n’en sais rien».
Il répète alors ce qu’il a dit pendant l’instruction. Dans le convoi, il avait plusieurs amis d’enfance et connaissances de son quartier de Molenbeek, à Bruxelles: «Je savais qu’ils allaient aller jusqu’à la fin (…) Dans ma tête, je sais que je passe mes derniers instants avec eux».
Quatre mois après le 13-Novembre, Mohamed A. abandonnait un chariot d’explosifs à l’aéroport de Bruxelles et prenait la fuite, devenant «l’homme au chapeau» des attentats commis dans la capitale belge.