Population de loupsPour Albert Rösti, il faut tirer d’abord, discuter ensuite
Le conseiller fédéral a justifié le caractère urgent des tirs de régulation contre les loups, qui devraient avoir lieu déjà cet hiver.
- par
- Eric Felley
L’Heure des questions ce lundi au Conseil national a marqué le grand retour de la thématique du loup. Il y a deux semaines, l’annonce d’un projet d’ordonnance sur la chasse et d’une planification fédérale pour supprimer les deux tiers des meutes (de 32 à 12), a suscité passablement de réactions depuis, sur la manière et sur le fond.
Le conseiller fédéral Albert Rösti a répondu lundi à ceux qui sont impatients de faire parler la poudre et à ceux qui estiment que ces mesures sont disproportionnées, étant donné le statut d’animal protégé du prédateur. Piero Marchesi (UDC/TI) et Monika Rüegger (UDC/OW) voulaient connaître les estimations du Conseil fédéral concernant l’évolution de la population lupine. Michael Graber (UDC/VS) s’inquiétait de la situation en Valais. Benjamin Roduit (C/VS) l’interpellait sur la volonté du Conseil fédéral d’accentuer la régulation.
30% par année
En face, dans le camp du loup, Delphine Klopfenstein Broggini (V/GE) et Christophe Clivaz (V/VS) ont demandé des explications sur les raisons de cette subite offensive de grande ampleur contre le prédateur. Albert Rösti l’a justifiée par la progression récente du nombre de loups et de meutes: «Leur population a augmenté de 30% par année, avec une croissance exponentielle. Sans intervention, cette croissance va continuer de manière accrue».
Monika Rüegger lui a tendu une perche en lui demandant s’il fallait s’attendre à voir «600 loups en Suisse dans deux ans» ? «En 2019, a répondu Albert Rösti, il y avait moins de 100 loups, en 2021 près de 150, en 2022, 240, et maintenant plus de 300… Dans ce contexte, la nouvelle loi sur la chasse prévoit que la Confédération puisse intervenir pour prévenir. Mais, a-t-il insisté, seulement dans la mesure où une meute représente un danger. Un certain nombre de critères doivent être remplis».
Pas de tirs défensifs
Monika Rüegger lui a demandé si les éleveurs ne pourraient pas eux-mêmes se débarrasser du loup par des tirs défensifs: «Non, a répondu Albert Rösti, il faut avoir les connaissances requises et il n’y a aucune exception pour des tirs défensifs. Nous connaissons les zones critiques. Les cantons doivent déjà préparer leurs demandes pour agir contre les meutes. Les éleveurs doivent s’adresser aux autorités cantonales. L’accord préalable de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) reste nécessaire».
Albert Rösti a précisé que la partie de l’ordonnance, qui permet de réguler les meutes, doit entrer en vigueur le 1er décembre prochain: «Les cantons pourraient intervenir dans les populations de loups dès cet hiver, en janvier ou février. Ils devront demander et justifier le prélèvement de meutes entières si elles posent un problème pour la sécurité des animaux de rente où les personnes».
Une procédure ordinaire en 2024
Delphine Klopfenstein Broggini (V/GE) a fait remarquer que cette ordonnance s’est faite en petit comité dans la précipitation et que les partis politiques n’ont même pas été conviés. Christophe Clivaz s’est interrogé sur les bases scientifiques qui permettent de diviser la Suisse en cinq régions à réguler, et qui permet d’abattre d’un seul coup toute une meute, sans tenir compte des dégâts que les loups auraient causés.
Albert Rösti a défendu à nouveau le caractère urgent de l’ordonnance: «À partir de 2024, nous lancerons une procédure de consultation ordinaire», a-t-il promis. Répondant à Benjamin Roduit sur l’accélération de la régulation, il a ajouté: «L’évolution de ces deux dernières années me semble extrêmement problématique, c’est pourquoi nous voulons agir à court terme. Si l’évolution ne ralentit pas, il faudra peut-être prendre des mesures plus fortes dans deux ans. Cela vise deux objectifs: la protection des hommes et animaux de rentes, mais aussi de l’espèce».
Albert Rösti espère également que cette campagne de régulation va rendre le loup plus craintif: «Je pars de l’idée que les autres meutes comprendront et se retireront dans les montagnes» ou vont «s’éloigner des hommes».