Triple électrocution à la Neuveville: «Chacun rejette la faute sur l’autre»

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Port de la NeuvevilleTriple électrocution: «Chacun rejette la faute sur l’autre»

C’était l’heure des plaidoiries au Tribunal du jura bernois ce matin, avec des acquittements demandés.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé
Les parents de Claire, Christiane et Robert Schläfli, étaient au tribunal ce matin pour écouter les plaidoiries et dire un dernier mot.

Les parents de Claire, Christiane et Robert Schläfli, étaient au tribunal ce matin pour écouter les plaidoiries et dire un dernier mot.

lematin.ch/Vincent Donzé

Un avocat l’a dit au tribunal, à l’adresse des parents de Claire Schläfli, électrocutée dans le port de La Neuveville avec sa chienne Makani et Miranda Birdsall, qui voulait les sauver: «Vous devez vous dire que ça se passe comme vous l’avez pensé: chacun rejette la faute sur l’autre.»

Pire: «Tout le monde attaque le plus petit», celui qui sur ordre de son supérieur, a remplacé un disjoncteur qui se déclenchait trop souvent, alors qu’il n’était pas habilité à le faire. Six ans après la triple électrocution le 15 mai 2017, il s’agit pour le Tribunal du Jura bernois – Seeland de déterminer pourquoi le lac était électrisé et partant, à qui la faute.

Contre sept des huit prévenus

Contre sept des huit prévenus accusés d’homicide par négligence, le procureur Raphaël Arn a requis de 120 à 300 jours-amende avec sursis pendant deux ans, en laissant la juge unique Maryvonne Pic Jeandupeux établir le montant des peines pécuniaires.

Techniquement, ce procès a placé un élément au cœur du drame: une passerelle fixée à une barrière. Ce ponton métallique faisait bouger un tube à l’intérieur duquel un câble s’est dénudé. Puis le courant est passé par cette passerelle pour se propager dans l’eau.

Les installateurs? Les contrôleurs?

Ce qui complique l’appréciation du tribunal, c’est le disjoncteur supprimé en 2014 à la demande d’un plaisancier, deux ans avant l’extension rudimentaire de l’installation électrique à travers un tube qui n’a pas été soudé. Qui est fautif? Les installateurs? Les contrôleurs?

«La mise à terre n’était pas obligatoire», a assuré un défenseur. Des rapports ont été signés, qui attestent de la conformité d’une installation qui se révélera défaillante. «Il ne s’agissait pas pour mon client de contrôler les moindres détails», a plaidé une avocate.

Le Tribunal rendra son jugement le 6 décembre prochain. «Face à l’événement tragique qui s’est produit, le langage technique et juridique peut paraître déplacé, même indécent», a admis une avocate. Mais la justice doit être rendue sans émotion: «Le droit est une discipline froide et aride», a souligné un défenseur.

L’émotion qui a parcouru les audiences tenues depuis mardi dernier était aussi du côté des prévenus: «Mon client n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. S’il est arrivé où il en est, c’est par la force de son travail», a dit une avocate. Le plaignant le sait: Robert Schläfli déplore de devoir s’en prendre à «une partie de la population qui trime et fait tourner le pays».

Affaire «extrêmement longue»

Les défenseurs ont demandé l’acquittement des électriciens, des monteurs-électriciens et du technicien accusés, en réclamant des indemnités. Un ressenti a été exprimé au terme d’une affaire «extrêmement longue à instruire»: «Cette catastrophe innommable n’aurait jamais dû se produire dans notre pays, où tout est contrôlé, surveillé.»

Un avocat a relevé que les prévenus étaient tous des exécutants, en regrettant l’absence des personnes «qui ont provoqué tout ça» quand ils ont demandé de prolonger «en vitesse» une ligne d’alimentation électrique. Le père de Claire regrette aussi l’absence de deux politiciens qu’il tient pour responsables, mais il ne décharge pas pour autant les techniciens de leur responsabilité morale et pénale.

Plus d’avocats dans cette salle?

Robert Schläfli a pris une dernière fois la parole pour expliquer son refus de prendre une brigade d’avocats que le père de l’autre victime, Miranda Birdsall, était disposé à financer: «Vous vous imaginez plus d’avocats dans cette salle?» s’est-il exclamé.

Les prévenus, le père de Claire les a trouvés «attristés, attachants et sympas». «Robi» a dit à un accusé: «Tu sais quoi? Tu aurais dû refuser de faire ce travail.» Il a dit à d’autres qu’ils auraient dû travailler «de manière plus conséquente». Et à un autre encore: «Tu aurais dû assumer ton rôle de chef.»

Concours de circonstances

«Je vous considère comme coupables», a conclu le papa de Claire en évoquant un «malheureux concours de circonstances.» En disant aussi à l’adresse des prévenus qu’«il serait injuste de ne punir que certains d’entre eux».

Un prévenu a répliqué: «Je regrette ce que j’ai fait, je voulais rendre service.» Et d’ajouter: «À aucun moment, je n’ai pensé mettre en danger la vie de qui que ce soit.» Un autre s’est excusé: «Je me sens une part de culpabilité.» Les accusés se sont déclarés l’un ou l’autre «très, très sensibles à ce que les familles ont traversé», mais ils ont assuré avoir fait du mieux qu’ils pouvaient, un travail «correct», a assuré l’un d’eux.

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