ValaisOctogénaire jetée aux ordures: sa fille jugée aujourd’hui
En octobre 2017, une Vaudoise de 81 ans était retrouvée morte, les jambes coincées dans un molok de Haute-Nendaz (VS). Unique suspecte: sa fille.
- par
- Evelyne Emeri
Frappée à coups de casserole sur la tête, mais pas que. Enveloppée dans des sacs-poubelle de 110 litres. Transportée et laissée à l’abandon à moitié dans un molok. Effroyable fin de vie. Effroyable dernière demeure pour cette Vaudoise de 81 ans vivant près de Lausanne. L’après-midi du 22 octobre 2017, le propriétaire du studio et son épouse, qui louaient leur bien aux deux Vaudoises, découvrent près du conteneur à ordures un cadavre dissimulé dans des sacs. Celui-ci repose au sol, sur le dos, les jambes coincées sous le grand couvercle. L’intervention d’un tiers est une évidence. L’unique suspecte est très vite désignée. Bien qu’elle s’acharne à nier, la fille de la défunte est immédiatement confondue. Elle sera arrêtée au domicile de sa mère dans la nuit du 23 octobre.
Acte prémédité?
Dès ce lundi matin 5 septembre, la Lausannoise de 56 ans comparaîtra à Sion devant le Tribunal des districts d’Hérens et Conthey pour assassinat, subsidiairement meurtre, et pour tentative d’assassinat, subsidiairement tentative de meurtre. L’acte d’accusation du procureur Ludovic Schmied relève l’insistance et la persistance avec laquelle la prévenue a agi, également sa conscience et sa volonté. Voire une préméditation soufflée et dictée par des éléments factuels. Comme la location du studio. Il était initialement réservé du 26 août au 7 octobre 2017. La location a été prolongée par la quinquagénaire jusqu’au 21 octobre. L’octogénaire a perdu la vie au plus tard le soir du 21, selon les médecins légistes, peut-être avant. Et dans quelles conditions?
Acharnement lésionnel
Le tableau lésionnel dressé par les légistes fait frémir et s’étend du 17 au 21 octobre 2017 (!). Au moins, onze plaies sur le crâne avec, pour seul objet contondant, une casserole. Un traumatisme crânio-cervical très sévère. Un traumatisme thoracique dont certaines lésions indiquent qu’il a été partiellement subi du vivant de la victime. Une fracture du sternum et un pneumothorax. Des traumatismes à l’épaule droite (subluxation hémorragique), des ecchymoses aux membres supérieurs et des dermabrasions aux avant-bras et aux mains, survenus peri-mortem ou une douzaine d’heures avant le décès. Enfin, l’accusée a fait ingérer à sa mère un poison pour rats et souris – du Difenacoum, soit de la mort-aux-rats – en le mélangeant à des céréales roses, une substance qu’elle a achetée le 11 septembre 2017 déjà dans une pharmacie de la station.
Quid du mobile?
Au cumul, la Faculté a pu conclure que l’octogénaire, également mère d’un fils adulte, était finalement décédée d’un traumatisme cervical haut, mortel à brève échéance, et que l’ostéoporose de cette femme de 81 ans avait pu faciliter les fractures observées. Quant à l’intoxication non létale au Difenacoum, elle a pu jouer un rôle dans l’enchaînement fatal sans pour autant en être le point central (ex. insuffisance respiratoire, convulsions, état comateux). Quid du mobile de ce crime organisé et visiblement réfléchi? Le procès le dira. L’on sait déjà que les deux femmes étaient très proches et vivaient en vase clos, chacune dans son logement lausannois ou près de la capitale. Elles voyageaient ensemble et avaient coupé les ponts avec le reste de la famille. Haute-Nendaz, c’était pour économiser, prétend la comparante, qui veillait sur sa mère et payait, selon elle, leurs vacances.
Apte à camoufler
Certains voisins nous avaient affirmé que, quelques jours avant la macabre découverte, une violente dispute avait éclaté entre les deux protagonistes et que des éclats de voix s’étaient fait entendre dans les couloirs du numéro 17 du chemin du Tsampi, à Haute-Nendaz: la famille se déchirerait autour d’un héritage. Ces mêmes témoins avaient vu la quinquagénaire faire des allers-retours entre le studio et le molok pour y jeter différents objets dont la valise rouge de sa mère. Une certitude, la fille de la défunte a tout fait pour camoufler son acte et se débarrasser de toute trace compromettante. Jusqu’à tenter de nettoyer le crépi d’un mur ou encore enlever les plaques en plastique recouvrant le sol du balcon. Le parquet valaisan souligne du reste combien elle s’y est assidûment employée.
Jugée irresponsable?
Placée sous curatelle, la Lausannoise s’est soumise à trois expertises psychiatriques, qui parviennent, en filigrane, au même constat. Soit qu’au moment des faits, la présumée coupable était capable ou partiellement capable d’apprécier le caractère illicite de son acte malgré son trouble psychique – schizophrénie différenciée/trouble délirant persistant –. En revanche, sa capacité à se déterminer en fonction de cette appréciation serait altérée précisément en raison de ses perceptions pathologiques. En clair: sa responsabilité pénale est largement, voire fortement diminuée. Si la Cour valaisanne devait abonder dans le même sens, la question de l’irresponsabilité de la fille de l’octogénaire s’invitera aux débats avec tout l’arsenal du Code pénal en la matière.