Arabie saouditeBiden en quête de pétrole et de normalisation avec Israël
Le président étasunien souhaite renforcer son alliance avec l’Arabie saoudite pour accéder à son pétrole, tout en maintenant son statut de défenseur des droits humains.
Le président américain Joe Biden est arrivé vendredi en Arabie saoudite, la riche monarchie pétrolière dont il avait juré durant sa campagne de faire un «paria» en raison des graves violations des droits humains, tendant les relations entre ces deux partenaires stratégiques. Air Force One a atterri à Jeddah, dans l’ouest de l’Arabie saoudite, après un vol direct depuis Israël, une première alors que Washington cherche à normaliser les relations entre ses deux plus importants partenaires au Moyen-Orient.
Air Force One avait décollé dans l’après-midi de l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv, pour se poser en début de soirée à Jeddah, point d’orgue de sa première tournée au Moyen-Orient. Peu avant son arrivée dans cette monarchie du Golfe, deux avancées ont été enregistrées: Israël a dit n’avoir «aucune objection» au transfert de deux îlots stratégiques en mer Rouge à l’Arabie saoudite et celle-ci a ensuite annoncé l’ouverture de son espace aérien à «tous les transporteurs», y compris israélien, une décision «historique» pour Joe Biden.
Ces deux initiatives pourraient, selon des analystes, ouvrir la voie à un éventuel rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël, pays qui a normalisé notamment ses relations en 2020 avec deux pays alliés du royaume saoudien: les Emirats arabes unis et Bahreïn. «Il s’agit d’un premier pas», a déclaré le Premier ministre israélien Yaïr Lapid en «remerciant» l’Arabie saoudite pour cette mesure. L’annonce saoudienne est intervenue avant le vol direct inédit Tel-Aviv/Jeddah de M. Biden, le premier du genre d’Israël vers l’Arabie saoudite qui ne reconnaît pas officiellement l’Etat hébreu. Son prédécesseur, Donald Trump, avait effectué un vol en sens inverse, de l’Arabie saoudite vers Israël.
Rencontre avec le prince héritier
Après deux jours d’échanges ouvertement chaleureux avec ses alliés israéliens et des entretiens avec le président palestinien Mahmoud Abbas, Joe Biden aborde en Arabie saoudite le versant le plus stratégique et peut-être aussi le plus complexe de son périple, la puissance pétrolière du Golfe étant accusée de graves violations des droits humains.
Encore candidat, Joe Biden avait promis de faire de ce royaume un «paria» à cause de l’assassinat du journaliste et critique saoudien Jamal Khashoggi. Et une fois élu, il avait déclassifié un rapport accablant sur la responsabilité du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, dit MBS, dans ce meurtre.
A Jeddah vendredi, M. Biden rencontrera le roi Salmane et participera ensuite avec son équipe à des discussions avec l’influent MBS, dirigeant de facto du royaume, et des ministres saoudiens. Joe Biden cherche à la fois à rester fidèle à ses positions en faveur des droits humains et à convaincre le royaume d’ouvrir les vannes de sa production pétrolière. L’enjeu: abaisser le prix du gallon d’essence à l’approche des élections de mi-mandat aux Etats-Unis.
Aides aux Palestiniens
Samedi, M. Biden participera à un sommet des dirigeants des monarchies arabes du Golfe auquel assisteront également d’autres leaders arabes. Une occasion d’ailleurs de pousser la normalisation engagée par Israël avec plusieurs pays arabes, dans le but de faire face à l’Iran, ce que n’a pas manqué de lui faire remarquer jeudi le Premier ministre israélien Yaïr Lapid.
Or la classe politique palestinienne s’oppose à la normalisation entre Israël et des pays arabes, tant que le conflit israélo-palestinien n’est pas réglé. L’Arabie saoudite elle-même s’est dite favorable à l’établissement de liens officiels avec l’Etat hébreu à cette seule condition, dénonçant régulièrement l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens.
Avant d’arriver en Arabie saoudite, Joe Biden a visité vendredi l’hôpital Augusta Victoria de Jérusalem-Est, secteur palestinien de la Ville Sainte occupé par Israël, où il a annoncé une aide de 100 millions de dollars au réseau hospitalier local. Il a ensuite rencontré M. Abbas à Bethléem, en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël. Des manifestants l’attendaient avec des bannières réclamant «justice» pour Shireen Abu Akleh, reporter américano-palestinienne tuée en couvrant une opération militaire israélienne en Cisjordanie.
Lors d’un point de presse, M. Biden a annoncé un projet visant à faire passer à la 4G la connexion internet sur les réseaux sans fil en Cisjordanie et à Gaza, enclave palestinienne sous blocus israélien. S’il a réitéré sa position selon laquelle les conditions n’étaient pas réunies «actuellement» pour relancer le processus de paix israélo-palestinien, au point mort depuis 2014, il a toutefois suggéré que cette impasse ne pouvait perdurer. «Nous n’abandonnerons jamais le travail en faveur de la paix. Il doit y avoir un horizon politique que le peuple palestinien puisse au moins voir ou sentir pour l’avenir. Nous ne pouvons permettre au désespoir d’hypothéquer l’avenir», a-t-il dit.
M. Abbas a insisté sur des mesures politiques afin de mettre un terme selon lui «à l’apartheid» israélien dans les Territoires palestiniens occupés. Il a demandé à M. Biden de rouvrir le consulat pour les Palestiniens à Jérusalem, fermé sous l’administration Trump, et de rendre Israël «responsable» de la mort de Shireen Abu Akleh, tuée selon l’ONU et les Palestiniens par un tir israélien. Fervent catholique, M. Biden s’est rendu à la basilique de la Nativité de Bethléem pour achever sa visite en Terre sainte.