Législatives aux FidjiL’opposition conteste les résultats mais appelle au «calme»
Le chef de l’opposition a annoncé jeudi qu’il contesterait les résultats des élections, après qu’une «anomalie» survenue dans la nuit a interrompu un décompte le montrant en tête.
Dans ses premières remarques publiques sur la question, Sitiveni Rabuka, ancien Premier ministre et deux fois putschiste, a déclaré à l’AFP que son parti avait droit à «un recours judiciaire». «Nous explorerons toutes les voies à notre disposition pour nous assurer que le peuple ne se voit pas refuser son droit d’élire son gouvernement», a fait savoir Sitiveni Rabuka, ajoutant qu’il porterait d’abord son cas devant la commission électorale du pays.
«J’ai besoin d’être convaincu qu’il s’agit du résultat correct. Même avec l’implication des tribunaux», a relevé jeudi celui que l’on surnomme «Rambo», en feuilletant une copie de la Constitution des îles Fidji. Sitiveni Rabuka, qui a appelé ses partisans au calme, tente de remplacer le Premier ministre Frank Bainimarama, au pouvoir depuis seize ans.
En quête d’un troisième mandat, l’actuel chef du gouvernement, 68 ans, est arrivé au pouvoir après un coup d’État en 2006 mais a ensuite légitimé sa position en gagnant les élections de 2014 et de 2018. Après quatre coups d’État au cours des 35 dernières années, le vote est considéré comme un test pour la démocratie naissante de la nation du Pacifique.
«Tout le monde a trop faim de théories du complot»
Sitiveni Rabuka a pris une avance rapide au moment des premiers décomptes de bulletins mercredi, augmentant les espoirs de victoire de ses soutiens et d’un premier transfert de pouvoir pacifique en deux décennies. Ensuite, lors d’une conférence de presse organisée à la hâte jeudi matin, le superviseur des élections Mohammed Saneem a fait savoir qu’une «anomalie» avait été détectée.
Quatre heures plus tard, à l’aube, les résultats provisoires étaient de retour en ligne et Frank Bainimarama était en tête pour remporter les élections. Mohammed Saneem a cité un «décalage» entre les votes exprimés et le décompte d’un candidat. «Pour remédier à cette situation, le bureau électoral fidjien a dû revoir l’ensemble du mécanisme par lequel nous diffusions les résultats», a-t-il mis en avant.
L’irrégularité, survenue tard dans la nuit, a dominé les bulletins d’information et a été accueillie avec scepticisme et colère sur les réseaux sociaux, mais Mohammed Saneem a défendu l’intégrité du décompte. «Tout le monde a trop faim de théories du complot», a-t-il soufflé à la presse.
Sitiveni Rabuka a dit vouloir savoir ce qui s’était passé, mais a appelé au calme et a souligné que le processus judiciaire devrait suivre son cours. «En termes simples, à ce stade, il s’agit d’une plainte. Plus tard (…) il s’agira probablement de demander une réparation légale et que le tribunal statue.» Avant d’ajouter: «Ne nous laissons pas emporter par ce que nous avions évalué comme une victoire avant l’heure hier» mercredi, avant d’appeler «le peuple fidjien à rester calme, en particulier nos partisans».
Attente nerveuse
L’analyste spécialisé dans la région Pacifique, Tess Newton Cain, estime que le problème «pourrait saper la confiance envers les élections dans leur ensemble». «Cela sapera très probablement la confiance dans le bureau des élections et Saneem en tant que superviseur», selon Tess Newton Cain, chef de projet au Pacific Hub de l’Université Griffith.
Alors que les résultats définitifs ne sont pas attendus avant dimanche, ceux partiels ont montré que l’issue des élections était toujours incertaine. Jeudi à l’aube, le parti FijiFirst détenait environ 45% des voix sur plus de la moitié des 2071 bureaux de vote du pays dépouillés. L’Alliance populaire de Sitiveni Rabuka et son partenaire de coalition, le Parti de la fédération nationale, comptaient à eux deux un peu moins de 42% des voix.
Un autre parti potentiel de la coalition se situait juste en dessous du seuil de 5% pour siéger au parlement. Cette fracture de l’opposition pourrait une fois de plus offrir la victoire à Frank Bainimarama. Interrogé pour savoir s’il accepterait les résultats du scrutin alors qu’il votait, Frank Bainimarama avait répondu: «Bien sûr». Il s’en était ensuite pris aux journalistes, leur suggérant de poser «de meilleures questions».
Sitiveni Rabuka, également un ex-international de rugby, avait indiqué que s’il était élu, son pays pourrait s’éloigner de la Chine. Il avait déclaré à la chaîne australienne SBS News qu’il était temps pour les Fidji de «réévaluer nos associations», excluant explicitement de suivre les îles Salomon en signant un pacte de sécurité avec Pékin.
Les Fidji se sont rapprochées de la Chine durant les mandats de Frank Bainimarama, appliquant la politique dite de «regard vers le Nord» pour stabiliser l’économie, après les lourdes sanctions commerciales imposées à son pays par l’Australie et la Nouvelle-Zélande en représailles à son coup d’État de 2006. L’économie des Fidji, qui comptent environ 900’000 habitants, dépend étroitement du tourisme qui a souffert de la pandémie de Covid-19.