LausanneDeux médecins stars de la lutte anti-Covid jugés pour une manif d’XR
On l’a vue et entendue pendant deux ans sur un autre front, celui de la pandémie; la médecin Valérie D’Acremont comparaît aux côtés de 11 autres prévenus pour une manifestation d’Extinction Rebellion à Lausanne en 2019.
- par
- Pauline Rumpf
Une telle audience devient presque monnaie courante depuis quelques années: une douzaine de militants plus ou moins jeunes comparaissent dès ce lundi pour le blocage de la rue Centrale à Lausanne fin 2019. La manifestation avait été organisée par Extinction Rebellion pour alerter sur l’urgence climatique.
Deux experts, douze accusés
L’exception, ce lundi, c’est la présence sur le banc des accusés de deux pontes de la médecine, stars des plateaux de télévision et des journaux depuis le début de la pandémie. Valérie D’Acremont et Blaise Genton, aux côtés d’autres professionnels de la santé, avaient participé au sit-in pour alerter les risques pour la santé du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité. «Ils se sont manifestés deux mois après par une pandémie dont nous souffrons encore», a expliqué la spécialiste de la médecine tropicale.
Dans un chœur de douze voix bien accordées, l’infectiologue et son époux médecin-chef d’Unisanté, professeurs d’université, ont comparu sans avocat. «Le délai était bien trop court pour préparer notre défense, ont-ils évoqué d’entrée. Il nous restait peut-être 48 heures à réception de la convocation pour choisir un avocat, contacter des témoins, précisait Valérie D’Acremont avant l’ouverture du procès. Mais qui mieux que deux spécialistes de la santé pour défendre la légitimité de notre action pour protéger la santé humaine?»
Eco-anxiété et atteinte à la démocratie
Tous les activistes admettent ne pas avoir quitté la voie publique malgré les injonctions de la police. Certains disent ne pas les avoir entendues. «Mais comme vous pratiquiez le sit-in, vous n’aviez pas l’intention de partir si on vous l’avait demandé», a souri le président. «Pas de commentaire», a répondu l’accusée visée.
En tant que médecins, et faute de témoins, Valérie D’Acremont et Blaise Genton ont entamé d’évoquer eux-mêmes les liens directs entre climat et santé, que selon eux la population ignore, et de légitimer leur action par la mise sous pression des autorités qui «ne font pas ce qu’elles devraient» pour protéger la population par des mesures «immédiates». Aux sourires parfois narquois du Président Lionel Chambour, dont cette audience n’est pas la première dans ce qu’Extinction Rebellion a appelé le «Procès des 200», contraste l’insistance des prévenus sur leur inquiétude, et même leur eco-anxiété. Poussé par leurs questions, le juge a fini par formuler qu’il estimait que le «dérèglement climatique n’est ni contesté ni contestable», mais que le grand nombre de conseillers communaux sur le banc des accusés devrait permettre d’autres voies «plus tranquilles».
Manifestation de docteurs
En marge du procès, Extinction Rebellion et Doctors for XR ont tenu une conférence de presse en blouse blanche pour rappeler les droits de manifestation et de réunion, contenus dans la Convention européenne des droits de l’homme, et qui ne nécessite pas de demande d’autorisation.
Les experts ont soulevé des observations directes de pénuries d’eau potable, de recul de la pollinisation, de retour de la malaria ou d’asthme infantile induits par le réchauffement climatique. «On ne cesse de m’interroger sur le Covid, sans écouter le fait que cette pandémie est directement liée à l’action humaine sur la biodiversité», a accusé Valérie D’Acremont. Et d’estimer que l’humanité se comporte comme une espèce invasive et scie la branche sur laquelle elle est assise, en toute indifférence.
L’audience se poursuit cet après-midi avec les plaidoiries.