JuraIl renverse une cavalière et ne s’excuse pas
Un cheval heurté par une voiture a été euthanasié, après quoi le fautif retrouvé par la police a été condamné.
- par
- Vincent Donzé
Un soir d’été, sur un chemin agricole utilisé comme piste cyclable, une cavalière de Châtillon (JU) rentrait de balade avant la tombée de la nuit quand une petite voiture foncée les a renversés, elle et son imposant cheval franc-montagnard de 19 ans, Estone.
L’automobiliste roulait dans le même sens que la cavalière. Il a percuté par l’arrière le cheval qui avançait au pas. Estone a basculé dans le pré en projetant sa cavalière dans le champ, sur le côté droit. Une chute qui les a blessés tous les deux, mais leur réflexe a été de se relever. «J’ai hurlé de toutes mes forces», indique Pauline, qui se souvient avoir lâché: «Vous êtes complètement fou!»
État de santé
Il était 21 h 10, ce 13 août 2022. Selon la police jurassienne, «l’automobiliste s’enquérait rapidement de l’état de santé de la cavalière puis quittait finalement les lieux sans décliner son identité». «Sans décliner son identité, et sans appeler les secours!» complète la victime, qui voyait flou.
Ébranlée, tétanisée, la cavalière a traversé le village avec sa monture. Estone boitait, mais ne saignait pas. Aucune plaie n’était visible, mais un poignet de Pauline faisait un drôle d’équerre…
Appel à témoins
Après avoir regagné l’écurie, la cavalière a été hospitalisée avec plusieurs fractures: un poignet cassé, mais aussi un genou fracturé! Le lendemain, la police jurassienne a diffusé un appel à témoins. Le chauffard ne s’est pas annoncé et personne ne l’a reconnu, mais il a été identifié dans la vallée grâce à sa voiture accidentée, dont une pièce a été retrouvée sur le chemin agricole.
Après une semaine de soins à grand renfort de perfusions, Estone a été euthanasié. Par ordonnance pénale, la justice jurassienne a condamné le fautif à 160 jours-amendes, une peine assortie du sursis pendant deux ans. Ce conducteur du district n’avait pas le droit de rouler sur le chemin agricole «Les Places», même en l’absence de signalisation. Sa vitesse était inadaptée et il a pris la fuite après avoir provoqué des lésions corporelles simples.
Lésions internes
Le drame, pour la cavalière, c’est d’avoir vu son cheval décliner rapidement, victime de lésions internes: «Il ne mangeait plus, ne tenait plus debout», rapporte sa maîtresse. La perte d’Estone a valu à Pauline des troubles anxiodépressifs à l’origine d’un arrêt de travail de six mois, comme l’a rapporté «Le Quotidien Jurassien».
«C’était dur. Je m’en voulais…», rapporte Pauline. Un sentiment de culpabilité renforcé par l’automobiliste, pour qui les torts étaient partagés. «Est-ce que j’aurais dû aller dans le champ?» s’est demandé la cavalière, alors que le chemin bétonné est prévu pour monter à cheval: tous les cavaliers passent par là!
Amende et frais
L’automobiliste s’est-il excusé? «Au contraire, il s’est montré désagréable. Il a répété que je n’avais rien à faire là en évoquant un concours de malchance», témoigne Pauline. Condamné, le fautif devra débourser 8000 francs en amende et en frais, mais la cavalière veut obtenir des indemnités pour son arrêt de travail et la perte de son cheval: euthanasié à 19 ans, Estone en avait deux quand Pauline l’a acquis aux Verrières (NE) pour réaliser un rêve de petite fille.
La cavalière a fait valoir que depuis 2015, la législation reconnaît l’animal comme «un être vivant doué de sensibilité». et non plus comme un simple objet. Traumatisée, elle n’est plus remontée à cheval, mais elle prend soin d’un poulain acquis avant l’accident pour succéder à Estone, préparé à ce qui devait être une belle retraite.