Climat: Le militant romand va recourir contre son interdiction à vie d’entrer en France

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ClimatLe militant romand va recourir contre son interdiction à vie d’entrer en France

Le jeune activiste du climat, arrêté en marge de la manifestation de Sainte-Soline (F), ne comprend toujours pas pourquoi lui seul a été traité comme un terroriste en France.

Eric Felley
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Eric Felley
Le cortège des militants le 25 mars à Sainte-Soline. Tous les visages sont scrupuleusement masqués, car tout le monde craint le fichage des militants pour le climat.

Le cortège des militants le 25 mars à Sainte-Soline. Tous les visages sont scrupuleusement masqués, car tout le monde craint le fichage des militants pour le climat.

Bassines Non Merci/DR

Lou* est un militant romand actif pour la cause du climat depuis le début du mouvement en 2019. Comme des milliers d’autres, il s’est rendu en France dans le département des Deux-Sèvres pour la manifestation prévue le samedi 25 mars à Sainte-Soline contre les réservoirs d’eau, qui favorise l’agriculture intensive au détriment des autres usagers. La veille, il participait justement à une conférence sur l’eau à Melle. Alors qu’il sortait de cette conférence, des policiers l’ont interpellé, lui et lui seul.

«Ces policiers obéissaient aux ordres et ne savaient pas pourquoi ils devaient m’arrêter», explique-t-il. L’opération s’est déroulée dans le calme et il n’a pas subi de violence physique, mais lorsqu’il est arrivé au commissariat: «J’ai été traité comme un grand criminel, se souvient-il, comme une personne extrêmement dangereuse et j’ai compris que je n’allais pas ressortir de là». On lui a signifié qu’il était sous le coup d’une interdiction de territoire en France. Plus tard, il a appris que cette décision avait été prise la veille, le 23 mars: «Personne ne m’avait mis au courant», précise-t-il.

Sur le moment, cette situation lui paraît d’autant plus incompréhensible, car il se rendait régulièrement dans ce pays: «Et en France, je n’ai jamais eu affaire avec la police». Ensuite, il a été gardé 24 heures au commissariat, puis placé dans un centre de détention avant d’être renvoyé en Suisse cinq jours plus tard, menotté.

Une ordonnance pénale en Suisse

Depuis qu’il milite pour la cause climatique, Lou a été condamné une fois en Suisse par ordonnance pénale pour un refus d’obtempérer. Alors qu’il occupait une place pacifiquement, il avait refusé de s’en aller et les policiers avaient dû le déplacer. Dans tout ce qu’il a fait jusqu’ici, c’est la seule action qui s’apparente à de la désobéissance civile. Comment se fait-il qu’en France, il a été considéré par la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) comme un criminel dangereux et traité selon les lois antiterroristes en vigueur?

«C’est la question que je me pose depuis, dit-il. Quand les policiers français m’ont remis aux autorités suisses, les Suisses m’ont dit: on n’a rien contre vous et ils m’ont souhaité une bonne journée. Je n’en revenais pas». Cette mansuétude est d’autant plus étrange, que les ennuis qu’a connus Lou en France seraient dus à des informations que les autorités fédérales auraient transmises à la France. C’est en tout cas les motifs avancés par les services français pour justifier sa mise en détention et son renvoi.

Fiché S

Il se perd en conjectures sur ce que le Service de renseignement de la Confédération (SRC) a pu transmettre sur son compte. Il a fait une demande auprès du service pour avoir accès à sa fiche, «C’est très flou, on m’a répondu qu’il n’y avait rien à transmettre. Peut-on être considéré comme très dangereux et fiché pour un simple refus d’obtempérer? À moins que cela que cela fasse partie de mesures d’intimidation. C’est le ministre de l’Intérieur français qui signe l’interdiction de territoire. À ma connaissance, je suis la seule personne avec une fiche S qui a été renvoyée dans son pays durant ces événements».

Une goutte d’eau dans la mer

D’un point de vue sécuritaire, l’arrestation de Lou semble par ailleurs une goutte d’eau dans la mer. Elle n’a en tout cas eu aucun effet sur le déroulement chaotique de la manifestation de Sainte Soline, où quelque 3000 policiers avaient été déployés dans l’attente de 10’000 opposants (25’000 finalement selon les organisateurs), et qui a connu des débordements violents.

«Avec cette décision, je suis dorénavant interdit de territoire français à vie», regrette amèrement Lou. Il a donc entamé une procédure avec ses proches pour la contester. Pour lui, qui a des amis et de la famille en France, c’est une «restriction inadmissible de la liberté de mouvement, mais également au droit au respect de la vie privée et familiale, consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales».

*Prénom d’emprunt.

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