Formule 1C’est plutôt la FIA qui mériterait d’être disqualifiée!
C’est à 2 h 30 du matin, dans la nuit de dimanche à ce lundi, qu’ont été annoncées les disqualifications de Lewis Hamilton et de Charles Leclerc. Chronologie des faits et explications.
- par
- Luc Domenjoz
Théorie et pratique
Il y a la théorie… et la pratique. A la fin dune course, Jo Bauer, le délégué technique de la FIA, choisit quelles monoplaces subiront des tests, et quels seront les tests de conformité appliqués. Le règlement sportif précise qu’il peut mener ces vérifications «à sa discrétion».
Ancien mécanicien de l’écurie Brabham, présent en F1 depuis les années 70, Jo Bauer n’est pas un débutant, mais il n’est pas non plus un ingénieur issu d’une des grandes écoles au sein desquelles les écuries recrutent de nos jours. Jo Bauer fait donc face à une rude adversité lorsqu’il vérifie des voitures, conçues par de brillants ingénieurs.
Dimanche soir, après le Grand Prix des États-Unis, il a décidé de vérifier la conformité des fonds de quatre monoplaces. Le règlement précise que l’usure de ces fonds doit se situer entre 1 et 9 millimètre(s) au terme d’un week-end de course.
La théorie voudrait que toutes les monoplaces soient vérifiées. Mais la pratique limite ce genre de contrôles: on manque de temps et de moyens humains pour les effectuer après chaque course. A Suzuka, aucune monoplace n’a été vérifiée au niveau de l’usure de leurs fonds. Au Qatar, une seule monoplace a subi ce contrôle.
A Austin, elles furent 4: la Red Bull de Max Verstappen, la McLaren de Lando Norris, la Mercedes de Lewis Hamilton et la Ferrari de Charles Leclerc. Ces deux dernières n’ont pas passé le test, leur usure dépassait les 9 millimètres autorisés, ce que leurs écuries respectives ont reconnu.
La disqualification était automatique - c’est toujours le cas pour des voitures non conformes au règlement technique, il n’existe pas de demi-mesure.
A cause du circuit
Les ingénieurs de Mercedes, tout comme ceux de Ferrari, ont expliqué que l’usure particulière subie à Austin a été la combinaison de deux facteurs.
Premièrement, les bosses terribles de ce circuit - que Max Verstappen a d’ailleurs décrit comme «inapte à accueillir les F1» pour cette raison - ont usé les fonds à force que ces derniers tapent le bitume.
Deuxièmement, la course sprint de samedi, qui a augmenté l’usure et prolongé le blocage en «parc fermé», pendant lequel les écuries ne peuvent pas toucher à leurs voitures. Un parc fermé qui a empêché les équipes de se rendre compte de l’usure subie à Austin.
En réalité, les équipes n’ont eu que le vendredi matin, soit une seule séance d’une heure d’essais libres, pour mesurer l’usure des fonds des monoplaces, et les équipes qui n’ont pas tourné suffisamment longtemps avec le plein d’essence pendant cette heure n’ont pas eu les moyens de vérifier cette usure. Toutes les écuries ont souffert de cette limitation, mais seules quatre voitures ont été vérifiées.
Réclamations des autres?
Toute écurie peut porter réclamation contre une autre équipe, après une course, pour tenter de faire disqualifier une voiture. Mais le délai pour déposer une telle réclamation est de 30 minutes après l’arrivée.
Dimanche soir, c’est près de deux heures après l’arrivée que la FIA a annoncé le résultat des vérifications techniques - ce qui aurait pu pousser d’autres équipes à porter réclamation contre d’autres monoplaces.
Il était donc trop tard, le délai de dépôt d’une réclamation était largement dépassé. Et il était d’autant plus tard que le Grand Prix du Mexique, dimanche prochain, obligeait les écuries à démonter et empaqueter leur matériel au plus vite pour que le tout parte en direction de Mexico dès ce lundi matin. Au moment où la FIA a rendu son verdict, les autres monoplaces étaient toutes déjà démontées, et il aurait été impossible de vérifier la conformité de leur fond.
En conclusion
Seules quatre voitures ont été vérifiées à l’issue du Grand Prix des États-Unis. La moitié en a été jugée non conforme. Il y a donc gros à parier que bien des autres monoplaces n’auraient pas non plus été conformes, à commencer par les équipiers de Lewis Hamilton et Charles Leclerc.
Mais comme la FIA n’avait pas le temps de tout vérifier, c’est le hasard qui s’est abattu sur ces deux pilotes, et tant mieux pour leurs équipiers George Russell et Carlos Sainz, qui s’en sortent… et même marquent encore plus de points puisqu’ils sont remontés au classement après les disqualifications de leurs équipiers.
Vous avez dit injuste? Plutôt, oui. La F1 est un monde extraordinairement complexe, avec un règlement technique qui pèse 174 pages (dans sa version amendée du 31 août dernier).
Et on vient nous dire qu’il n’est malheureusement pas possible de vérifier la conformité de toutes les monoplaces? Ce qui veut dire qu’en appliquant le principe du «pas vu pas pris», les écuries peuvent tricher ou ne pas être conformes sans se faire pincer… Quelle bonne blague! La FIA a sérieusement entamé la soit-disant rigueur de la Formule 1.