Série (3/3) – La défaite et ses effets: Eloge de la lose

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Série (3/3)La défaite et ses effets: Éloge de la lose

Briller ou disparaître. Les compétitions le montrent: l’histoire ne retient que les vainqueurs. Le troisième volet de cette série sur les défaites porte sur la joie de perdre.

Rebecca Garcia
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Rebecca Garcia
Julian Alaphilippe avait célébré trop tôt son arrivée au terme de Liège-Bastogne-Liège, le 4 octobre 2020. Il a été dépassé puis sanctionné pour une manœuvre sur le Suisse Marc Hirschi.

Julian Alaphilippe avait célébré trop tôt son arrivée au terme de Liège-Bastogne-Liège, le 4 octobre 2020. Il a été dépassé puis sanctionné pour une manœuvre sur le Suisse Marc Hirschi.

AFP

Ni l’argent, ni le bronze, ni l’or ne font réellement le bonheur. Pourtant, diplômes ou médailles de chocolat s’absentent de la classique comptabilité des Jeux olympiques. Les dirigeants de pays veulent des résultats, des vrais. C’est dans cette idée-là qu’Emmanuel Macron avait tapé du poing sur la table au retour des athlètes français de Tokyo. Le président affirmait que le bilan des Jeux n’était pas au niveau attendu, et qu’«il faudra faire beaucoup mieux.»

À contre-courant de cette course aux résultats, la Fédération française de la Lose chasse les ratés des athlètes. Elle rend visible les performances oubliées et prend un malin plaisir à applaudir les «presqu’médailles», soit les 4e, 5e et 6e places.

Les fondateurs de ce qui était à la base une idée née à l’apéro ont beau mettre la défaite en avant, ils se sont octroyé la sympathie de bien des athlètes des circuits internationaux. De Benoît Paire aux Girondins de Bordeaux en passant par les tennismen français à Roland-Garros, chacun en prend pour son grade.

Stéphane Houdet en sourit, lui qui a remporté plusieurs médailles en tennis aux Jeux paralympiques ainsi que 19 titres de Grand Chelem en double. Il faut dire que la FFL scrute tous les sports, et rien ne l’agace plus qu’un champion incontesté. Martin Fourcade était sur liste noire, Quentin Fillon Maillet le rejoint grâce à ses quatre médailles des JO de Pékin.

D’où vient cette motivation à célébrer ces défaites françaises? Après quelques déconvenues, «nous avons trouvé en cette fédération fictive un remède implacable à l’inévitable frustration de la défaite. Un exutoire collectif dans lequel les peines se transforment en rires et les désillusions en fierté», écrivent les auteurs de «La Bible de la Lose», sortie fin 2021. Ils glissent encore que toutes les pages visent à redonner aux perdants ou défaites «la gloire qui leur est due.»

Le but n’est pas de rigoler des sportifs, mais avec eux. Dans la préface du livre, le cycliste Thibaut Pinot précise comment il a réceptionné les quolibets de la FFL. «Il est évident que l’humour et l’autodérision sont les deux remèdes les plus efficaces pour digérer les grandes déceptions que j’ai vécues. Quoi qu’on en dise, cela ne reste que du sport.»

Encore faut-il relativiser ce qui est relativisable. La troupe qui accueille les défaites et les gamelles avec bonne humeur se refuse à rire des blessures graves. Le footballeur Philippe Mexès se blesse après une séance de solarium? C’est dans le bouquin. Victor Muffat-Jeandet se brise la jambe juste avant les Jeux olympiques? Pas un rictus.

La FFL choisit ses combats, et les mène avec une plume bien aiguisée. Elle peut compter sur des ambassadeurs de qualité, comme Vladimir Petkovic à Bordeaux. C’est qu’on prendrait presque goût à la défaite.

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