TurquieVeuves et divorcées doivent attendre 300 jours avant de se marier
La Cour européenne des droits de l’homme a donné tort à la Turquie, qui applique un délai de viduité empêchant des femmes de se marier à leur convenance.
L’obligation en Turquie faite aux femmes de respecter un délai de viduité de 300 jours avant de se remarier, à moins de présenter un certificat médical, est «une discrimination directe fondée sur le sexe», a estimé mardi, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Le délai de viduité est imposé aux femmes veuves ou divorcées avant de pouvoir contracter un nouveau mariage. Il a été conçu à l’origine pour éviter les conflits de filiation paternelle concernant les enfants conçus avant la mort ou le divorce. La Turquie impose un délai de viduité de 300 jours, qui couvre les neuf mois d’une grossesse éventuelle.
Examen médical
Ce délai n’est toutefois pas appliqué si la femme subit un examen médical prouvant qu’elle n’est pas enceinte. Dans cette affaire, un tribunal aux affaires familiales a ordonné le divorce de la requérante en décembre 2012, mais la décision ne devint définitive que le 21 janvier 2014, après un arrêt de la cour de cassation.
En juillet 2014, elle demanda au tribunal aux affaires familiales de lever à son égard le délai de viduité de 300 jours, mais celui-ci lui ordonna d’effectuer un examen médical prouvant qu’elle n’était pas enceinte. La requérante refusa et ses demandes furent rejetées par les tribunaux turcs.
Pas de besoin impérieux
La CEDH estime «que l’imposition du délai de viduité de 300 jours et l’obligation qui a été faite à la requérante de présenter un certificat médical, pour lever ce délai, ne répondaient pas à un besoin social impérieux, n’étaient pas proportionnées aux buts légitimes visés et n’étaient pas justifiées par des motifs pertinents et suffisants. L’ingérence dans l’exercice par la requérante de son droit au respect de sa vie privée n’était donc pas nécessaire dans une société démocratique».
La Cour basée à Strasbourg considère également que cette pratique imposée aux femmes divorcées «s’analyse en une discrimination directe fondée sur le sexe». «La différence de traitement à laquelle la requérante a été soumise au motif de son sexe n’était ni objectivement justifiée ni nécessaire», pointe encore la CEDH estimant que la Turquie a violé les articles 8 (droit au respect de la vie privée), 12 (droit au mariage) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme.
La CEDH conclut que le constat de ces violations est une satisfaction équitable suffisante pour la requérante, mais Ankara devra lui verser 564,01 euros pour frais et dépens.