Commentaire: quand le «wokisme» s’invite dans la campagne électorale

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CommentaireQuand le «wokisme» s’invite dans la campagne électorale

En cette année électorale, l’UDC a décidé d’ajouter à son programme la lutte contre le «wokisme», un mal sournois qui menacerait l’avenir de la Suisse.

Eric Felley
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Eric Felley
L’assemblée de l’UDC le 28 janvier dernier à Bülach (ZH)

L’assemblée de l’UDC le 28 janvier dernier à Bülach (ZH)

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Dans son nouveau programme en vue des élections fédérales du mois d’octobre, l’UDC entend combattre l’idéologie du «wokisme», qu’elle considère comme de la «folie», selon le terme utilisé la semaine dernière par la conseillère nationale Esther Friedli (UDC/SG). Ces derniers temps, le «wokisme» aurait frappé sur l’appropriation culturelle, la «cancel culture» (le changement de noms de rue par exemple), les protestations dans les universités (Genève), les théories du genre ou enfin le langage inclusif.

Pour faire court, le «wokisme» est un mouvement social qui s’est développé aux États-Unis dans le sillage du «Black Lives Matter» et des violences policières contre les noirs.  «Woke» vient de «awake», qui veut dire «éveillé». Ce mouvement s’attache à dénoncer les injustices sociales qui touchent les minorités, les femmes ou la communauté LGBTQ + Il vise en particulier les injustices «discrètes» ou les petites discriminations qui alimentent le racisme ou le sexisme ordinaire.

Dans un sens péjoratif

Ce mouvement s’inscrit donc à gauche de l’échiquier politique. Toutefois, on ne trouve pas dans le programme du Parti socialiste suisse par exemple la défense du «wokisme». Le mot est surtout utilisé à droite dans un sens péjoratif. En l’intégrant à son programme, l’UDC lui donne en tout cas une réalité helvétique. Le président de l’UDC vaudoise a déclaré la semaine dernière dans «24 heures»: «Comme Esther Friedli, je pense qu’il faut relever le défi, car les militants woke usent de violence, s’affranchissent des lois tout en profitant abondamment de l’argent public qui a été prélevé sur le dos des gens qui se lèvent tôt et travaillent dur». Que de choses assénées dans une phrase!

La question du genre

On sent monter une aversion particulière sur la question du genre. Lors de sa succession, interrogé sur la personne qui devait lui succéder, Ueli Maurer avait déclaré: «Peu importe que ce soit un «il» ou une «elle», tant que ce n’est pas un «iel». Il est intéressant de voir à quel point cette question du genre irrite la droite conservatrice pour qui le genre humain est composé d’hommes et de femmes. Quiconque prétendrait le contraire serait frappé par la «folie woke» .

Mais aujourd’hui, lorsqu’un ou une ado informe ses parents qu’il est «non binaire» ou «non genré», ceux-ci peuvent soit le blâmer, soit faire preuve de compréhension (ce qui est le plus souvent le cas). Les êtres humains, en tout cas une partie d’entre eux, ne se perçoivent pas ou plus d’un point de vue social comme des organismes binaires, mâle ou femelle. Cela demande un effort d’abstraction: quelque chose est au-dessus du genre qui rejoint l’humain.

Bataille décisive

Pour les sympathisants de l’UDC, c’est une approche trop compliquée et déstabilisante. Ils se sentent agressés par ces revendications nouvelles, derrière lesquelles se cacherait le complot du «wokisme» dans les chaumières du pays. En cette année de campagne électorale – présentée à droite comme une bataille «décisive» pour l’avenir de la Suisse – la lutte contre le «wokisme» semble obéir à la nécessité de définir un nouvel ennemi, fut-il une nouvelle chimère.

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