MusiqueDavid Crosby, le barde de Woodstock est mort à 81 ans
Le rockeur américain David Crosby, cofondateur des Byrds avant de rejoindre le supergroupe Crosby, Stills, Nash & Young est mort à l’âge de 81 ans, ont annoncé jeudi des médias américains spécialisés.
Avec sa guitare et sa moustache, il était la jeune Amérique des années 1960-70, entre riffs rock-folk et paradis artificiels: David Crosby, cofondateur des Byrds avant de rejoindre le supergroupe Crosby, Stills, Nash & Young, s’était relevé de ses excès pour relancer une carrière solo.
Avec cinq albums depuis 2014, le Californien aux longs cheveux blancs, mort à 81 ans selon des médias américains jeudi, avait entamé une renaissance remarquée par la critique, saluant sa voix claire préservée du tabac, lui qui a pourtant touché à tant de drogues, rare survivant d’une génération disparue bien avant lui.
«Je ne sais pas pourquoi je suis vivant, alors que Jimi (Hendrix) ne l’est pas, que Janis (Joplin) ne l’est pas…» s’étonnait-il auprès du magazine Rolling Stone en 2014. «J’ai eu de la chance.» Cette vie d’allers-retours entre plusieurs groupes, émaillée de disputes et de cocaïne, le chanteur en tire une grande fierté. «Les trucs importants dans ma vie, ce ne sont pas les problèmes que j’ai eus, c’est cette magie qui m’est arrivée, qui m’a permis de créer toute cette musique», racontait-il au Guardian en 2021 depuis sa maison en Californie.
C’est dans cet Etat qu’il est né, le 14 août 1941, de parents descendants de grandes familles new-yorkaises, avec une mère au foyer et un père dans le cinéma, auréolé d’un Oscar de la meilleure photographie. Avant ses 25 ans, il est l’un des fondateurs de The Byrds, groupe mêlant le rock venu d’Angleterre au folk traditionnel américain. C’est notamment David Crosby qui amène cette dernière composante, pleine de mélodie, avec sa guitare et sa voix. L’influence durable des Byrds se fera notamment sentir sur d’autres groupes comme Eagles et, plus tard, R.E.M.
Cocaïne et pistolet
On leur doit notamment le tube «Eight Miles High», morceau pionnier du rock psychédélique dont les références aux substances illicites l’écarteront un temps des puritaines radios américaines. Ces substances, David Crosby ne les connaissaient que trop bien. «À la fin d’un concert, t’es au top, c’est là que j’en prenais beaucoup. Ça me permettait de tenir après le show», se souvient-il auprès de Rolling Stone.
En 1969, sa compagne est tuée dans un accident de voiture. Il réalise son premier album solo, «If I Could Only Remember My Name». Là, dans la détresse et l’héroïne, il se sauve en chantant. «Le seul endroit où je pouvais faire face, c’était le studio», racontait «Croz» en 2021 au Los Angeles Times. Depuis, le chanteur, grand amateur de voile, n’a cessé de s’étonner lui-même à survivre à ses montagnes russes.
En 1986, il passe cinq mois en prison au Texas pour avoir été arrêté, quelques années plus tôt dans une discothèque de Dallas, en possession de cocaïne et d’un pistolet automatique, chargé. Depuis, son corps lui a rappelé ses excès: diabète, crises cardiaques, une greffe du foie en 1994.
Gandalf hippie
Son zénith, il l’avait sans doute vécu quelques années plus tôt. Le 17 août 1969, au mythique festival de Woodstock, il a déjà sa moustache et ses cheveux longs tirés en arrière, comme un Buffalo Bill sur scène, pour le second concert des Crosby, Stills, Nash and Young. En 1968, écarté des Byrds, il avait retrouvé Stephen Stills, des Buffalo Spingfield, et Graham Nash, des Hollies, dans le chalet de Joni Mitchell, légende du folk et un temps petite amie de David Crosby. Neil Young les rejoindra de temps à autre.
Avec «Our House» ou «Ohio», ils envahissent la bande FM américaine dans ce folk léger, hippie, au gré de leurs albums, séparations, et réunions successives de ce concentré de talents et d’egos. «Je pense que quand les Beatles se sont séparés (1970), nous étions le meilleur groupe du monde», a déclaré David Crosby. Lui, ce «Gandalf de Woodstock» (Variety), était avec ce trio au concert contre le nucléaire de 1979 mais aussi lors du mouvement Occupy Wall Street en 2011. Quelques années plus tard, il défend le port des armes à feu mais aussi la jeune militante écologiste Greta Thunberg.
Son passage en prison en 1986 lui avait servi de cure de désintoxication forcée. Il assure n’avoir plus touché une seule drogue dure depuis. «En fait, je me sens sacrément bien», disait-il au Guardian dans son éternelle chemise flanelle à bretelles. «Ce que je fais, ce n’est pas seulement jouer de la guitare et chanter. Je ne suis le meilleur dans aucun des deux», racontait le vieux barde à l’AFP en janvier 2021. «Là où je suis vraiment bon, c’est pour briser ce quatrième mur, t’emporter dans un petit voyage», poursuivait-il. «Te faire rire, pour ensuite pouvoir te faire pleurer. C’est ça, mon boulot.»