Ski alpin: Pourquoi Ingrid Jacquemod aime tant «son» Val-d’Isère

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Ski alpinPourquoi Ingrid Jacquemod aime tant «son» Val-d’Isère

Directrice du club des sports de la station aveline depuis 2019, l’ex-skieuse française se bat pour l’image du village de son enfance. Où il est aussi question de climat et des Jeux de 2030.

Christian Maillard Val d'Isère
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Christian Maillard Val d'Isère
Ingrid Jacquemod se bat pour mettre sa station de Val-d’Isère en avant.

Ingrid Jacquemod se bat pour mettre sa station de Val-d’Isère en avant.

Yves Perret/www.ypmedias.com

Enfant de Val-d’Isère, ancienne skieuse de l’équipe de France, victorieuse en descente à Santa-Caterina en 2005, Ingrid Jacquemod est depuis 2019 directrice du club des sports de cette station savoyarde qu’elle aime tant. Qui d’autre que cette fille d’un chef de piste, âgée aujourd’hui de 45 ans, pour occuper cette fonction dans le club le plus médaillé au monde avec des champions comme Jean-Claude Killy, Henri Oreiller, les sœurs Goitschel et Clément Noël.

Responsable d’une équipe de 800 personnes, la Française, mère d’un petit Angus (14 ans), travaille souvent jour et nuit s’il le faut sur la piste, début décembre, pour que son Critérium de la première neige, qui s’étale sur deux week-ends, soit à la hauteur de l’événement. On l’a rencontrée ce vendredi avant le doublé suisse avec Jasmine Flury et Joana Haelen.

Ingrid Jacquemod s’était imposée le 7 janvier 2005 à Santa Caterina.

Ingrid Jacquemod s’était imposée le 7 janvier 2005 à Santa Caterina.

AFP

‹‹Les gens qui sont attirés par Val-d’Isère le sont pour plusieurs raisons, mais avant tout pour ces courses qui donnent de la valeur ajoutée à notre tourisme.››

Ingrid Jacquemod, directrice du club des sports de Val-d’Isère

Ingrid, pourquoi les gens viennent volontiers à Val-d’Isère, que ce soit pour la Coupe du monde de ski alpin ou pour passer des vacances?

Je suis sincèrement convaincue que le Critérium de la première neige est plus qu’une épreuve. C’est l’ADN du ski alpin de compétition à Val-d’Isère qui contribue largement à faire briller la vitrine de la station. Je pense que les gens qui sont attirés par cet endroit le sont pour plusieurs raisons mais avant tout pour ces courses qui donnent de la valeur ajoutée à notre tourisme.

Avec la Face de Bellevarde et l’Oreiller-Killy, il y a de belles pistes pour planter son bâton, destinées à tous les skieurs et skieuses, qu’ils soient débutants ou bien préparés?

On a plutôt la réputation d’avoir un profil de pistes de ski très «sportif». C’est un peu l’image de notre station qui a cet aspect de haut niveau de ski. C’est le profil de nos montagnes qui veut ça. On a des retours en station qui sont très pentus. Le ski pour les débutants se fait plutôt en hauteur car on n’a pas des zones très faciles sur le bas de la station. Notre vallée est en «U» et pour rejoindre le bas de Val-d’Isère il y a des pentes de fortes inclinaisons. C’est un peu notre valeur où le ski ici est engagé et très sportif avec beaucoup de kilomètres et des dénivelés pour aller d’un domaine à l’autre ainsi que des remontées mécaniques très performantes.

‹‹Il y a une vraie interrogation sur l’évolution du climat, c’est sûr. On y est tous sensibles et nous sommes forcément les premiers concernés.››

Ingrid Jacquemod, directrice du club des sports de Val-d’Isère

En ce début de saison, avec toutes ces annulations, on a beaucoup évoqué le climat. Pourquoi ne pas revenir à ce qui se faisait au début de la Coupe du monde, en commençant en décembre avec le Critérium de la première neige?

Je ne serai pas aussi radicale que vous. Par contre, il y a une vraie interrogation sur l’évolution du climat, c'est sûr. On y est tous sensibles et nous sommes forcément les premiers concernés. Les habitants de la station vivent ces changements climatiques de plein fouet. On essaie de s’inscrire dans quelque chose de vertueux depuis quelques années. On a conscience aussi que les événements climatiques vont nous mettre plus en challenge pour préparer des courses dans de bonnes conditions. Il y a des années où ça se passe très bien et d’autres où on a très peu de neige ou beaucoup trop comme ces deux dernières semaines. On est un peu dans un ascenseur émotionnel avec des conditions qui se transforment d’un jour à un autre.

C’est quoi votre but par rapport à l’environnement aujourd’hui?

De dire qu’il faut des actions plus vertueuses avec l’environnement qui nous entoure pour continuer à faire ce qu’on sait faire et de manière plus consciencieuse. On doit s’adapter à tous ces changements, mais sans tout arrêter. Car c’est aussi notre économie. La vie locale c’est notre territoire qu'il faut continuer à faire évoluer pour les générations futures. C’est un compromis qui est délicat mais en tout cas on est tous sensibilisé à ça.

Après son coup de gueule face aux activistes en novembre à Gurgl, Henrik Kristoffersen était à nouveau en colère dimanche dernier après l’annulation du slalom. Qu’avez-vous envie de lui répondre?

J’ai beaucoup de respect pour le sportif qu’est Henrik Kristoffersen, en revanche si on parle de l’organisation, c’est déjà un sacerdoce pour elle d’annuler une course. Cela pèse lourd financièrement et humainement. Quand on s’investit de nombreux mois avec des dernières semaines très intenses sur la préparation de la piste de la course, notre but c’est surtout de livrer une épreuve. On trouvera tous les moyens, tous les meilleurs plans d’actions pour organiser cette course.

‹‹C’est important de rappeler que l’histoire de Val-d’Isère pèse lourd dans le ski alpin avec les Jeux de 1992, les Mondiaux de 2009 et presque 70 ans de Critérium.››

Ingrid Jacquemod, directrice du club des sports de Val-d’Isère

Mais pourquoi avez-vous dû jeter l’éponge?

La semaine passée on a été confronté à des conditions météo qui ont été assez compliquées. Je rappelle qu’il a plu pendant des heures la veille et qu’il a neigé la nuit. On a eu un effet de réchauffement de la neige. Je rappelle aussi souvent lors des comités de course, que la Face de Bellevarde n’est pas une piste simple à préparer. Il y a 70% d’inclinaison en moyenne. Quand on se retrouve avec 2 cm ou 5 cm de neige à lisser, ça se transforme vite avec des tas monstrueux. Là, en l'occurrence, dans la nuit, j’étais présente avec mes équipes et là pour constater qu’il y avait 15 à 20 cm de neige mouillée. On n’avait pas d’autres choix que celui qu’on a effectué pour tenter de sauver la course. Je pense que c’est bien d’apporter un point de vue, après, critiquer de cette manière comme l’a fait Kristoffersen, sans connaître les dessous de l’organisation et sans avoir été sur le déroulé de la préparation et à l’instant T des décisions prises durant la nuit, je trouve que c’est moins correct.

Dernière chose: des JO en France en 2030 dans les Alpes peuvent-ils être organisés sans Val-d’Isère?

C’est difficile d’entendre dire qu’on ne fera pas partie du jeu. Après, Val-d’Isère a la volonté d’apporter toutes les infrastructures techniques et tous ses arguments pour dire qu’aujourd’hui elle est capable d’être intégrée dans ce dispositif de JO qui veut une mobilité plus douce avec des infrastructures existantes. À nous de démontrer qu’on peut aussi, avec notre site, accueillir des athlètes et le public olympique d'une bonne manière. Et puis c’est important de rappeler que l'histoire de Val-d’Isère pèse lourd dans le ski alpin avec les Jeux de 1992, les Mondiaux de 2009 et presque 70 ans de Critérium. Il y a également l’avenir de ce qu'on pourra laisser dans la génération future. Car on sait très bien que les Jeux olympiques sont de vrais leviers, de vrais boosters sur des territoires entiers. Val-d’Isère c’est un fond de vallée mais avant d’y arriver il y a toute une Tarentaise et Haute Tarentaise et le lègue que pourraient laisser ces Jeux pour notre région.

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