FootballDereck Kutesa: «Je pensais que ça viendrait plus tôt»
L’ailier servettien, qui affronte Lucerne ce dimanche (16 h 30), va découvrir l’équipe de Suisse à 26 ans. Les choses ont pris du temps, et il peine encore à réaliser.
- par
- Valentin Schnorhk
C’est peut-être un clin d’œil de l’histoire, ou alors simplement une coïncidence. Mais c’est en passant ce dimanche (16 h 30) par Lucerne, là où il a joué une saison plus jeune (alors prêté par Bâle), que Dereck Kutesa va rejoindre l’équipe de Suisse dès lundi. A 26 ans, il partira pour son premier stage avec la sélection nationale A, pour fêter – il l’espère – une première sélection au Danemark samedi, ou alors en Irlande mardi prochain.
La patience a payé pour le Servettien. «Honnêtement, je pensais que ça viendrait plus tôt, admet-il. Parce que quand tu quittes Servette à 18 ans pour le FC Bâle, qui est alors le meilleur club de Suisse, tu te dis que c’est le chemin logique. Mais ça, c’est avec toute la naïveté qu’on peut avoir étant jeune. Parce que quand je suis arrivé à Bâle, quand j’ai été en plein dedans, je me suis rendu compte que ce n’était pas aussi simple.»
Un chemin n’est jamais tracé. A 17 ans, lorsqu’il lance sa carrière en Challenge League à Servette, il est un espoir du football suisse. À Bâle, c’est bouché. Il est prêté à Lucerne, sans grande réussite. Puis, il signe à Saint-Gall, où il s’impose et s’ouvre les portes de la Ligue 1, à Reims. Tout n’y est pas facile et il doit passer par un prêt à Zulte-Waregem. Avant, donc, de revenir à Servette. Et d’y réaliser une excellente saison.
Cela faisait déjà quelques mois que le nom de Kutesa circulait pour l’équipe de Suisse. «C’est vrai que, ces derniers temps, beaucoup de gens en parlaient, les médias l’évoquaient. Mais de mon côté, je me disais que c’est la dernière liste avant l’Euro, et même si certaines personnes pouvaient considérer que je méritais ma place, j’aurais compris que le sélectionneur préfère appeler des joueurs qu’il connaît.» Sauf que mercredi matin, quand le numéro 17 servettien a décroché son téléphone, Murat Yakin était au bout du fil.
L’Europe, quel parcours
«Il m’a dit que Servette et moi avons réalisé de bonnes performances, rien de plus, sourit Kutesa. Mais honnêtement, je crois que je ne réaliserai qu’au moment où j’y serai vraiment. C’est clair que voir mon nom sur la liste, ça a été un honneur, mais je comprendrai quand j’arriverai sur place.» Ce sera pour lundi, d’abord en Espagne, à La Manga, près de Murcie, où l’équipe nationale se réunit en stage durant quatre jours.
Il y a de quoi comprendre que Dereck Kutesa n’ait pas encore eu le temps de savourer l’instant. Il faut dire que les échéances ne manquent pas, côté servettien. À commencer par cette élimination frustrante en Conference League jeudi contre le Viktoria Plzen. Déception, il y a eu, mais Kutesa, comme ses coéquipiers, ont surtout mesuré le chemin parcouru en Coupe d’Europe depuis le début de saison.
«Nous avons joué des grosses équipes, habituées à ce niveau, et nous n’avons pas été ridicules, se persuade le Genevois. Nous avons toujours vu que nous nous confrontions à un niveau accessible. Et honnêtement, au départ, je ne pensais pas que nous serions capables de rivaliser avec des clubs comme Genk, les Rangers ou l’AS Rome. Par contre, une fois que nous avions éliminé Genk (réd.: le premier adversaire de Servette, au 2e tour qualificatif de la Ligue des champions), là, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire. C’était notre première expérience, dans un contexte très difficile, à 10 contre 11 dès le début de match, c’était quasi mission impossible. Tout ça, ça nous a prouvé que nous étions une bonne équipe et que nous ne devions pas perdre confiance.»
«C’était kiffant»
C’est sans doute ce qui a contribué en grand à la bonne marche servettienne depuis l’automne, malgré un début de saison compliqué. Jouer tous les trois jours n’a jamais semblé de nature à décontenancer cette équipe. «C’était kiffant, lâche Kutesa. Parce que quand tu gagnes, tu prends confiance. Et quand tu ne gagnes pas, tu peux rapidement faire oublier ça. Mais nous allons reprendre une routine: nous sommes un groupe qui n’avait pas l’habitude d’un tel rythme.» Cela peut compter, alors que des moments décisifs arrivent.
Avec ce déplacement à Lucerne, prélude d’un printemps qui s’annonce excitant, où Servette peut encore espérer être champion et gagner la Coupe de Suisse. Pas trop de pression? «Pour moi, ce n’est pas le moment de parler de titre. Les gens à l’extérieur, les médias vont vouloir mettre cette pression. Mais nous, au sein du groupe, non. Parce que nous sommes conscients de nos qualités.» Celles qui permettent d’atteindre un niveau que l’on a toujours espéré. Dereck Kutesa en est un beau symbole.