Football: En attirant des stars, l’Arabie saoudite n’a rien inventé

Publié

FootballEn attirant des stars, l’Arabie saoudite n’a rien inventé

Avant l'Arabie saoudite, d’autres pays ont tenté de développer leur championnat en attirant des stars mondiales grâce à des contrats lucratifs. Retour en arrière sur cinq projets à travers le globe.

Jonathan Amorim Machado
par
Jonathan Amorim Machado
Pelé (à gauche) à New York, le début des préretraites dorées des footballeurs.

Pelé (à gauche) à New York, le début des préretraites dorées des footballeurs.

imago/WEREK

États-Unis: North American Soccer League (1968-1984)

À la fin des années 60, le football aux États-Unis, appelé «soccer», était encore largement dominé par le semi-professionnalisme. Les quatre grands sports du continent (baseball, basketball, hockey sur glace et football américain) faisaient également de l’ombre au soccer. Afin de donner un nouvel élan à cette pratique dans le pays, des entrepreneurs américains ont créé une nouvelle ligue en 1968, dans le but de professionnaliser les clubs et le championnat: la NASL (North American Soccer League) vit alors le jour.

Afin de susciter rapidement l’intérêt du public pour ce nouveau championnat, les Américains ont recruté certaines des plus grandes stars de la planète: Pelé et Franz Beckenbauer ont rejoint le Cosmos de New York, Johan Cruyff les Diplomats de Washington, Eusébio les Boston Minutemen, George Best les Los Angeles Aztecs et Gerd Müller les Strikers de Fort Lauderdale. Ces légendes des années 70 et 80 ne sont pas venues en Amérique du Nord simplement pour visiter la statue de la Liberté ou le Grand Canyon. Les franchises américaines leur ont proposé des contrats juteux, offrant ainsi une fin de carrière des plus enrichissantes.

Le projet a connu un certain succès initial. Le public a répondu présent, attiré par la présence des grandes stars européennes. Sur le plan sportif, un écart considérable existait entre les joueurs locaux et les vedettes étrangères. Malheureusement, le championnat a fini par s’essouffler, tout comme les vétérans présents sur les terrains américains. La plupart de ces joueurs n’ont disputé que quelques matches.

En 1984, la NASL s’est effondrée, ne laissant aucun héritage durable. Pensé à court terme, ce championnat n’a pas bénéficié à l’équipe nationale, qui n’a pas réussi à se qualifier pour la Coupe du monde pendant cette période.

Cependant, après la Coupe du monde 1994, les Américains ont repensé leur approche et créé la Major League Soccer (MLS) en 1996. Ce championnat a également réussi à attirer des stars, mais de manière bien organisée, ce qui lui a permis de perdurer jusqu’à aujourd’hui.

Chine: Chinese Super League (2013-2017)

La Chine est un pays qui occupe une place relativement modeste sur la scène mondiale du football, ce qui contrarie ses dirigeants, lesquels aspirent à ce que l’Empire du Milieu soit une grande nation dans tous les domaines.

En 2016, Xi Jinping – grand fan de football - en a eu assez de cette situation et a encouragé les grandes entreprises à investir dans les clubs de la Super League chinoise (D1). Il a également contribué à augmenter les revenus des droits télévisés des clubs. Le mercato hivernal de la même année a été totalement démesuré: les clubs chinois ont dépensé 260 millions d'euros pour se renforcer.

Alors qu’auparavant, des équipes comme le Guangzhou Evergrande et ses rivaux visaient des joueurs en fin de carrière, les clubs chinois ont soudainement attiré des joueurs dans la fleur de l’âge, principalement originaires d’Amérique du Sud. Des joueurs tels que Ramires (28 ans, Brésil), Jackson Martinez (29 ans, Colombie), Gervinho (28 ans, Côte d'Ivoire), Fredy Guarin (29 ans, Colombie) et Alex Teixeira (26 ans, Brésil) ont ainsi débarqué en Chinese Super League. L’objectif du dirigeant chinois était de développer la sélection nationale afin d’être en mesure d’accueillir la Coupe du monde et, idéalement, de la remporter. Tout un programme.

Quelques années plus tard, le constat est désastreux. La situation économique des clubs chinois est alarmante, plusieurs d’entre eux étant au bord de la faillite. Les grandes dépenses dans les transferts sont désormais terminées. Même Guangzhou Evergrande, qui était le symbole du projet chinois, évolue actuellement en deuxième division

Au classement FIFA, la sélection nationale chinoise se situe à la 79e place, entre la Géorgie et la Guinée, et reste toujours aussi modeste sur le plan sportif. Xi Jinping pourra toutefois se consoler avec la troisième place obtenue lors de la Coupe d’Asie de l’Est en 2022, devant la toute-puissante sélection d’Hong Kong.

Inde: Indian Super League (2013-2023)

Un autre projet tout aussi folklorique a vu le jour en Inde. En 2013, des entités privées ont lancé l’Indian Super League, venue concurrencer la première division locale. Inspirée du modèle de la MLS, cette ligue avait pour objectif de créer des franchises dans un système fermé. Le concept consistait à entourer les meilleurs joueurs indiens de stars internationales, généreusement rémunérées, évidemment.

Dès sa première année, l’Indian Super League a accueilli de grands noms tels que Robert Pirès, David Trezeguet, Nicolas Anelka, Alessandro Del Piero, Marco Materazzi, Luis García, Fredrik Ljungberg, Alessandro Nesta et Joan Capdevila. L’objectif était de développer le football à l’échelle locale, de montrer aux nombreux Indiens que le football, c’est cool. En effet, le cricket est davantage ancré dans la culture indienne et ceux qui aiment le football se tournent souvent vers la Premier League anglaise pour assouvir leur passion.

Le fonctionnement de l’Indian Super League est tout simplement extravagant: un financement hétéroclite, des stars d’un âge avancé et un spectacle à la manière de Bollywood. En somme, le show est assuré. Cependant, sur le plan sportif, le projet rencontre rapidement ses limites, en particulier en raison de la concurrence du championnat officiel, l’I-League.

Dix ans après son lancement, il faut s’accrocher pour reconnaître un nom parmi les stars qui évoluent dans ce championnat. Le top 5 actuel? Le Nigérian Bart Ogbeche, le Fidjien Roy Krishna, l’Écossais Greg Stewart, le Marocain Hugo Boumous et le Grec Dimitrios Diamantakos. Un «five» qui fait tout de suite moins rêver.

Qatar: Qatar Stars League (2003)

Avant l'Arabie saoudite, au début des années 2000, la destination phare pour les footballeurs en préretraite dans le Golfe était le Qatar, qui appréciait déjà dépenser son argent à tout-va. En 2003, la fédération locale a offert à chaque club une somme de 10 millions de dollars pour renforcer son effectif, dans le but de développer le championnat. Cependant, malgré ces investissements, la ligue ne suscitait que très peu d’intérêt, même auprès des habitants locaux qui ne se rendaient pas dans les stades, entraînant des affluences quasi nulles.

Ces sommes d’argent ont néanmoins fait le bonheur de nombreux joueurs, qui ont décidé de prendre la direction du désert. Ronald de Boer, son frère Frank de Boer, Pep Guardiola et Gabriel Batistuta ont ainsi rejoint des clubs de la ligue qatarienne. Le Français Franck Lebœuf a également signé au Qatar, à Al-Sadd, avouant ouvertement que son choix était motivé par l’aspect financier, afin de «remplir les caisses». Un plan de sauvetage économique également choisi par son copain Marcel Desailly notamment.

Vingt ans plus tard, le Qatar a réussi son objectif en remportant l’organisation de la Coupe du monde. Le championnat local vit toujours sous perfusion des cheicks et quelques joueurs européens continuent d’y terminer leur carrière dans l’anonymat des stades vides et dans un contexte footballistique désertique. Passionnant.

Australie: A-League (2006)

À l’instar de la MLS aux États-Unis, l’Australie a lancé son championnat fermé en 2005. Dans la région de l’Océanie, le football fait face à la concurrence d’autres pratiques et n’est pas considéré comme le sport roi. Les dirigeants australiens ont donc relevé un défi de taille en faisant appel à des grandes figures du football pour dynamiser leur nouvelle compétition.

En 2006, Dwight Yorke, star de Manchester United, a débarqué à Sydney pour rejoindre le Sydney FC. Robbie Fowler, l’Anglais emblématique de Liverpool, a rejoint North Queensland Fury en 2010. En 2012, Alessandro del Piero, l’illustre Italien, a brillé dans le championnat australien en portant les couleurs de Sydney FC. Deux ans plus tard, l’Espagnol David Villa a rejoint Melbourne City pour ajouter encore plus d’éclat au championnat. Plus récemment, la légende locale Tim Cahill a choisi de terminer sa carrière dans son pays natal en signant avec Melbourne City.

Aujourd’hui, la A-League a adopté une nouvelle stratégie axée sur le développement des talents locaux et de la région, en prospectant dans toute l’Océanie. Les dirigeants des clubs australiens se tournent désormais vers des joueurs moins renommés en Europe pour renforcer leurs effectifs. Un exemple marquant est celui du Vaudois Leo Lacroix, qui a rejoint Western United en 2021.

À l’autre bout du monde, l’ancien défenseur du FC Sion a connu une expérience enrichissante, contribuant de manière significative à l’équipe en tant que membre clé du onze titulaire. Son séjour en Australie a été couronné de succès avec la conquête du titre en 2022. «The Australian Dream».

Ton opinion