AfriqueGuinée-Bissau: le président Embalo échappe à un coup de force
Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a échappé mardi à une tentative de coup d’État qui a fait plusieurs morts et blessés selon lui, dernier en date d’une série de coups de force à travers l’Afrique de l’Ouest.
Umaro Sissoco Embalo, ancien général arrivé en 2020 à la tête de la Guinée-Bissau, petit pays à l’histoire politique jalonnée de coups d’État, s’est présenté mardi soir devant la presse indemne et serein, après être apparemment resté coincé avec les membres du gouvernement dans le palais du gouvernement, théâtre pendant plusieurs heures d’échanges de tirs nourris durant l’après-midi.
Le chef de l’État et les membres du gouvernement ont été surpris à l’intérieur du palais, siège des ministères où se tenait un conseil des ministres extraordinaire, par des hommes en armes aux motivations encore mal connues, selon les témoignages.
Umaro Sissoco Embalo n’a pas désigné précisément les auteurs de cette tentative de coup d’État. Celle-ci «doit venir de ceux qui sont contre les décisions que j’ai prises, notamment dans la lutte contre le narcotrafic et la corruption», a-t-il dit, parlant d’«acte très bien préparé et organisé». Il s’est retrouvé «sous des tirs nourris d’armes lourdes pendant cinq heures d’horloge», a-t-il relaté. «Les assaillants auraient pu me parler avant ces événements sanglants ayant fait plusieurs blessés graves et des morts», a-t-il dit.
Après plusieurs heures de confusion et de rumeurs, le président a été tiré d’affaire dans des circonstances non éclaircies. «Tout va bien», avait-il dit dans un bref échange téléphonique avec l’AFP, alors qu’il se trouvait semble-t-il toujours au palais du gouvernement. Puis ses services avaient annoncé son retour au palais présidentiel et lui-même avait tweeté: «Je vais bien Alhamdoulillah (Dieu merci). La situation est sous contrôle gouvernemental».
Des tirs nourris ont résonné une bonne partie de l’après-midi. Les alentours du palais ont été en proie à des mouvements d’habitants fuyant les lieux.
Une Française de 36 ans vivant en Guinée-Bissau, jointe au téléphone par l’AFP, a raconté être allée chercher en toute hâte ses deux enfants dans une école proche du palais du gouvernement après avoir été informée inopinément de la fermeture de toutes les écoles. Son mari, travaillant dans une banque, a reçu lui aussi la consigne de rentrer chez lui. «C’était la grosse panique», a relaté Kadeejah Diop, 36 ans.
Putschs et corruption
Le palais s’est retrouvé encerclé par des hommes lourdement armés. Un large cordon sécuritaire a été mis en place autour du complexe, tenant les journalistes et les curieux à distance.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a condamné «cette tentative de coup d’État». Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a exprimé sa «grande inquiétude». Les deux organisations ont paru désigner les militaires comme responsables, les tenant pour responsables de la sécurité du président et du gouvernement.
La part prise par l’armée, qui joue un rôle prééminent dans ce pays à l’histoire troublée, donnait lieu à toutes les spéculations.
La Guinée-Bissau, petit pays d’environ deux millions d’habitants frontalier du Sénégal et de la Guinée, est abonnée aux coups de force. Depuis son indépendance du Portugal en 1974, elle a connu quatre putschs (le dernier en 2012), une kyrielle de tentatives de coup d’État et une valse des gouvernements.
Depuis 2014, elle s’est engagée vers un retour à l’ordre constitutionnel, ce qui ne l’a pas préservée des turbulences, mais sans violence. Le pays pâtit d’une corruption endémique. Il passe aussi pour une plaque tournante du trafic de cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe.