FootballMurat Yakin, le bienheureux pragmatique
À l’image du 1-1 obtenu vendredi à Rome, le sélectionneur de l’équipe de Suisse voit ses idées validées par un coup de pouce du destin. Comme pour donner du crédit à sa préparation.
- par
- Valentin Schnorhk Rome
Il n’est pas là depuis si longtemps, mais on commence à cibler Murat Yakin. L’homme est fermé, crispé, prudent sur chaque réponse la veille des matches. Puis, lorsque tout s’est bien passé, le visage se détend: il rigole, s’amuse avec la presse et savoure le moment. C’est l’histoire d’un sélectionneur qui sait que le match est à chaque fois le plus important des rendez-vous, et qu’il ne veut surtout pas se manquer. Tout est pesé, sous-pesé et mûrement réfléchi. Sa quête du résultat passe par là. Et quand la Suisse ramène un point de Rome, alors il peut avoir le sentiment du devoir bien fait.
Décrire le Murat Yakin sélectionneur, que l’on perçoit depuis seulement deux mois mais tout de même six matches, c’est dresser le portrait d’un pragmatique. Il aime se confronter à la difficulté en lui opposant le plan rationnel possible. À vrai dire, depuis ses débuts, il n’a failli qu’une seule fois: lorsqu’il n’a pas su bouger le bloc nord-irlandais à Belfast, pour son deuxième match officiel (0-0) en septembre. Une animation offensive qu’il a pris le temps de mûrir pour la rendre efficace lors des deux rencontres d’octobre (contre l’Irlande du Nord et en Lituanie).
La bonne approche
À chaque fois qu’il a affronté l’Italie, en revanche, sa méticulosité l’a récompensé. Un marquage individuel très conservateur lors du match aller de Bâle, où le versant offensif était presque laissé-pour-compte. Avant de trouver le moyen de mettre en exergue les carences défensives du champion d’Europe à Rome vendredi. Elles étaient à la perte de balle italienne, en exploitant la profondeur. Noah Okafor, choisi pour ça, s’est régalé en première période à l’Olimpico et a d’emblée donné raison au pari de Yakin. Avant de fermer la boutique, et surtout en deuxième mi-temps, une fois le 1-1 encaissé. Les sorties simultanées de Shaqiri et Vargas (remplacés par Frei et Sow) à dix minutes de la fin du match trahissaient la prudence. Pragmatique.
Même si le résultat final justifie le qualificatif, il aurait pu être dénigrant en d’autres circonstances. Parce que narrer les débuts de Murat Yakin à la tête de l’équipe de Suisse, c’est aussi relever sa part de chance. D’une certaine façon, elle est presque indécente. En deux matches contre l’Italie, il a vu deux fois Jorginho manquer un penalty, dont un envoyé dans les étoiles romaines à la 90e minute d’un match potentiellement décisif. Sans oublier le carton rouge zélé donné au défenseur nord-irlandais Jamal Lewis à Genève le mois dernier, alors que le score était encore de 0-0.
Un autre coup de pouce lundi?
Les faits de matches donnent un autre aspect au bilan de Yakin. Le technicien est bienheureux. Il faut peut-être y voir la récompense de son pragmatisme, de sa préparation minutieuse. «Cela aurait été très malchanceux de perdre sur penalty, après avoir produit cette prestation et mis cette énergie dans le match», considère, lui, le sélectionneur. Reste que, dans ces conditions, il bénéficie du petit coup de main qui valide ses bons choix. Et lorsque Haris Seferovic manque son penalty à Belfast, cela vient punir une approche (un 4-1-4-1 terriblement statique) trop frileuse, qui ne convenait pas au contexte.
C’est dire s’il est désormais attendu de Murat Yakin qu’il trouve le bon moyen de forcer la décision lundi. Il devra mettre en place l’équipe qui saura lui garantir le plus de buts possibles. Ce sera sur cette base-là que la qualification se jouera, à distance avec l’Italie, en déplacement en Irlande du Nord. «Nous savons très bien ce que nous avons à faire: mettre le plus de pression possible, accepte-t-il. Nous devrons rattraper un écart d’au moins deux buts. Ce ne sera pas si simple.»
Cela promet un peu de tension d’ici là. Mais si Yakin continue de tracer son chemin sous une bonne étoile, il aura toutes les raisons de retrouver sa légèreté lundi en fin de soirée…
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