SuisseLe Conseil des États veut un rapport sur les morts suspectes
Les sénateurs ont approuvé mardi à une large majorité un postulat qui se base sur une étude parue il y a quelques années et qui estime que la moitié des morts naturelles seraient en fait des homicides.
- par
- Christine Talos
Les meurtres seraient-ils trop souvent ignorés en Suisse? Le Conseil des États veut en avoir le cœur net. Il vient d’accepter à une très large majorité un postulat de sa Commission des affaires juridiques. C’est la première fois que cette thématique délicate est abordée sous la Coupole, a souligné Daniel Jositsch (PS/ZH).
Le postulat se base sur une étude menée par le directeur de l’Institut de médecine légale de l’Université de Berne, Christian Jackowski. Celui-ci, qui mène des recherches sur les homicides non détectés, estime que plus de la moitié de tous les crimes commis dans ce domaine passent inaperçus. Il se base lui-même sur des études de chercheurs allemands qui ont enquêté sur des décès initialement classés comme étant de cause naturelle. Par extrapolation, ils sont arrivés à la conclusion que seule la moitié des suicides, accidents ou meurtres sont en fait reconnus.
Actuellement, la Suisse recense en moyenne 50 meurtres par année. Mais ce nombre de cas pourrait être deux fois plus élevé, selon Daniel Jositsch (PS/ZH). Et le Zurichois de demander si le Code de procédure pénale (CPP) sur les morts suspectes est à jour. En effet, bien souvent c’est un médecin de premier recours ou médecin d’hôpital qui procède à l’examen du corps et qui constate le décès. Et il n’a pas forcément la compétence, au même titre qu’un spécialiste en médecine forensique, de reconnaître les indices pouvant soupçonner un crime, a relevé le sénateur. Il doit en outre souvent intervenir sous la pression des proches qui n’ont pas forcément envie que le corps subisse une autopsie.
S’il n’y a pas d’indices externes, le corps est levé
Or en Suisse, la législation prévoit que si le premier examen – uniquement externe – du corps ne révèle rien de particulier et si aucun indice n’apparaît non plus dans l’enquête menée parallèlement par le ministère public et la police, il n’y a pas d’autopsie et le corps peut être inhumé ou enterré. Ce n’est qu’en cas de doute, qu’un spécialiste en médecine forensique prend le relais. Contrairement à l’Allemagne où tous les cadavres devant être incinérés sont de toute manière examinés par un spécialiste afin de déceler d’éventuelles traces non repérées lors du premier examen.
«Les experts juridiques qui ont attiré l’attention de la Commission sur ce sujet partent donc du principe qu’il y a un certain nombre - on ne sait pas combien - d’homicides non découverts, parce que justement il n’y a pas eu d’autopsie, mais seulement un examen sommaire du corps», a résumé la ministre de la Justice Karin Keller-Sutter.
Si presque tous les sénateurs ont approuvé le postulat, le conseiller aux États Jakob Stark (UDC/TG) s’y est opposé. Il n’approuvait pas que le texte se base sur une étude elle-même faite d’extrapolations. En outre, a-t-il relevé, les cas de décès où un doute subsiste font déjà l’objet d’une attention particulière. «Ce postulat veut simplement montrer s’il y a éventuellement une lacune dans le CPP à laquelle on pourrait remédier», a conclu Karin Keller-Sutter.