Football: Cette soirée de dingue où Servette est devenu magique

Publié

FootballCette soirée de dingue où Servette est devenu magique

Alors que tout était contre lui à Genk, le club genevois a trouvé la force de se sublimer, donnant naissance à un match de légende grâce à sa résilience. On a vibré devant notre TV.

Nicolas Jacquier
par
Nicolas Jacquier
Les Servettiens ont tenu en haleine une grande part de la Suisse romande, mercredi soir.

Les Servettiens ont tenu en haleine une grande part de la Suisse romande, mercredi soir.

IMAGO/Belga

On se doit d’être franc au moment d’applaudir le fantastique morceau de bravoure que les héros «grenat» ont offert à l’Europe du football. Nous n’avons pas suivi leur performance XXL durant toute la soirée, préférant d’abord suivre un débat stérile et l’actualité du monde sur d’autres chaînes. Et lorsque l’on a fini par zapper sur Genk pour voir ce qui s’y passait, Crivelli n’était déjà plus là et Servette perdait 1-0. Bon, c’est foutu, s’est-on alors entendu dire, sans doute comme beaucoup d’entre vous.

Eh bien non, foutu, ça ne l’était pas. Parce qu’ils ont su convoquer des éléments irrationnels – tout ce qui ne se travaille pas mais que l’on possède ou non au fond des tripes –, les Genevois allaient trouver les ressources morales pour surmonter une rare succession de handicap. Cela s’appelle la résilience et les protégés de René Weiler en sont devenus les champions.

Dans une autre dimension

D’ailleurs, quand on a vu le nombre de coups du sort successifs auxquels ils ont été confrontés, tout se liguant contre eux avec une rapide expulsion et des blessés rejoignant d’autres blessés, on a compris que rien ne pouvait leur arriver. Un pressentiment, juste une intuition, cela suffit parfois pour faire basculer un match banal dans une autre dimension, celle où les émotions et la passion l’emportent sur les froids concepts. 

Alors, définitivement scotché devant notre TV, on s’est pris à y croire (oui, ils vont le faire), on a souffert, tremblé avec eux, oubliant la retenue habituelle qu’impose notre fonction. Servette devait aussi perdre son capitaine avec la sortie prématurée de Frick, et alors? Au moment où Joël Mall lui succède, on sait déjà que l’on tient là l’un des héros de la soirée. La réalité, avec un remplaçant impérial, multipliant les parades jusqu’à dégoûter les attaquants adverses, parfois avec la complicité d’un coéquipier (sauvetage de Vouilloz sur la ligne), ne nous donnera pas tort. Le fait que tout soit contre les visiteurs, y compris l’arbitrage, a rendu ceux-ci plus forts, mus par une force intérieure qu’ils ne soupçonnaient peut-être pas. Parce que dix fois au moins, ce Servette décimé aurait pu craquer sous les coups de boutoir belges; or il a chaque fois tenu, peu importe comment après tout. 

Le triomphe de l’abnégation

Cela s’est vérifié jusqu’à la série de tirs au but, tous parfaitement maîtrisés jusqu’au dénouement que l’on sait. Pour un bonheur communicatif, coup d’envoi d’une nuit magique dans les cœurs.

Servette qui élimine Genk, c’est le triomphe de l’abnégation. Mais cette soirée de dingue où il est devenu magique, c’est aussi la réussite d’un club qui a grandi, une réussite qui rejaillit sur l’ensemble du football helvétique. Les exploits européens d’une telle nature, réalisés dans des circonstances pareilles, sont rares pour un club romand, aussi convient-il de le saluer comme il se doit et d’en profiter. Car on n’est pas certain du tout qu’en se présentant au complet et en évoluant à 11 contre 11, Servette ait interprété la même partition. 

Mercredi soir, le club de la Praille n’était ni le plus grand, ni le plus impressionnant mais ses joueurs possédaient des qualités dépassant ceux qui parviennent à les exprimer. Même s’il ne pourra pas faire l’économie de renforts, Servette s’est ainsi octroyé le droit de rêver en grandeur. Et nous, alors que tout le monde en redemande déjà, on s’est promis de regarder le prochain acte depuis le début. La marche du monde attendra.

Ton opinion