CurlingPour Peter de Cruz, sa sortie de piste est un choix de vie
Le skip genevois explique la dissolution de l’équipe, médaillée de bronze aux JO de PyeongChang, et les raisons de son propre retrait.
- par
- Pascal Bornand
Depuis 2010 et un titre mondial juniors à Flims, son nom aura été le porte-étendard d’une équipe à succès. Avec ses potes Benoît Schwarz et Valentin Tanner, deux autres «minots de Tivoli», et la contribution confédérale de Claudio Pätz, puis de Sven Michel, Peter de Cruz a écrit quelques-unes des plus belles pages de l’histoire du curling suisse. Aujourd’hui pourtant, après un chapitre olympique moins glorieux à Pékin, leur propre histoire s’achève comme glisse parfois une pierre en dehors de la maison. Sans heurt.
Pas de scène de ménage donc, ni d’équipe qui explose en vol. Juste une séparation à l’amiable, concertée, respectueuse. «C’est pour nous le moment de tourner la page, de vivre chacun de nous d’autres aventures, sur la piste comme ailleurs. C’est triste mais je ne me fais pas de souci, on saura tous tracer notre voie», confie le skip genevois.
Dépression post-olympique
Peter de Cruz n’a jamais tiré la couverture à lui. La force du team aura toujours été la somme de ses individualités, de ses talents, la rencontre et la fusion de caractères et de personnalités différents. «Sans le curling, on n’aurait sans doute pas tissé des liens amicaux aussi forts», ont-ils souvent répété. «Aujourd’hui, notre relation est encore meilleure, assure le leader de l'équipe. On a su, au fil du temps, échapper à la pression du groupe, se donner de l’air, se comprendre, s’accepter tels qu’on est.»
Arrivés à un carrefour de leur carrière, les quatres mousquetaires ont donc décidé de prendre chacun un chemin différent. Au gré de leurs aspirations, de leurs ambitions. Peter de Cruz ne veut parler que de sa propre résolution. Il parle d’un choix de vie, de son prochain mariage, d’une future lune de miel, d’une carrière professionnelle à préparer. «J’ai 32 ans, il y a une vie après le curling.» Il évoque aussi ses tourments au retour des JO de Pékin. Dépression post-olympique. «J’ai pas mal galéré, j’ai gambergé, avoue-t-il. Je n’arrivais pas à me lever le matin.»
Cet échec sportif a-t-il précipité son retrait? «Sans doute un peu. Il a intensifié ma réflexion. Quand on est à fond dans le sport, quand on a toujours la tête dans le guidon, quand on veut toujours faire mieux, on a du mal à s'extirper, à anticiper, à voir plus loin que le bout de la piste. D’accord, si on avait gagné le titre olympique, ce ne serait pas la même chose. Mais là, j’ai besoin de faire un break, de souffler, de ressentir d’autres émotions, de retrouver mes amis, de mettre le curling de côté.»
A l’entendre, s’il range son balai, ce n’est pas pour l’enterrer dans l’armoire aux souvenirs. «Je vais continuer à jouer un peu, pour le plaisir. Qui sait, dans six mois, il me viendra peut-être l’envie de m’y remettre plus sérieusement. Je ne m’interdis rien», conclut Peter de Cruz.
Le curling lui a tant donné: un podium olympique, quatre médailles de bronze mondiales, des émotions à la pelle, des pierres précieuses, des pierres qui moussent. Qui sait, la pierre philosophale…