PénuriesLe Royaume-Uni va vers une crise alimentaire, avertissent les agriculteurs
Selon un syndicat, les agriculteurs britanniques sont dans «une situation d’urgence», frappés par l’envolée des coûts des engrais, des aliments pour animaux, du carburant et de l’énergie.
Après des pénuries d’œufs, les tomates et les poires pourraient venir à manquer: frappé par une envolée des coûts, le Royaume-Uni se dirige tout droit vers une crise d’approvisionnement alimentaire, a prévenu, mardi, son principal syndicat agricole.
À terme, «le danger est que nous produisions toujours moins de notre alimentation ici et que nous dépendions toujours plus des importations», a affirmé, à Londres, Minette Batters, présidente de la National Farmers’ Union (NFU), ajoutant que le pays avait notamment «trop compté sur l’Espagne par le passé». Selon le syndicat, les agriculteurs britanniques sont dans «une situation d’urgence», frappés par l’envolée des coûts des engrais, des aliments pour animaux, du carburant et de l’énergie, conséquences de la perturbation des chaînes d’approvisionnement liées à la pandémie et de la guerre en Ukraine.
Les tomates suivent le chemin des œufs
Les œufs sont déjà devenus plus rares et chers, à cause de ces surcoûts, auxquels s’est ajoutée une épidémie locale de grippe aviaire. De nombreux supermarchés britanniques en sont réduits à les rationner. Et les cultures sous serre, comme les tomates, les concombres, les laitues ou le céleri, très gourmandes en énergie, sont particulièrement touchées. Certaines verront cette année leurs niveaux de production les plus faibles depuis 1985, le début des statistiques en la matière.
Face à cette situation, il faut partager les risques liés aux coûts avec les entreprises intermédiaires, notamment chargées de l’emballage ou les distributeurs, selon le syndicat, qui demande «davantage d’équité» dans la chaîne d’approvisionnement. Le NFU affirme qu’il y a 7000 entreprises agricoles de moins dans le pays qu’en 2019 – une baisse de près de 5% –, alors que les engrais azotés ont par exemple augmenté de 240% et que le gaz vendu en gros a subi une hausse massive de 650% sur cette période de trois ans.
Le NFU a aussi critiqué, mardi, la volonté du gouvernement conservateur de signer des accords commerciaux tous azimuts depuis le Brexit, comme avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui exposent les agriculteurs britanniques à une concurrence accrue.
Londres croit à son degré «élevé de sécurité alimentaire»
Au Royaume-Uni, comme ailleurs sur la planète, la production alimentaire est en outre confrontée au changement climatique et à la perte de biodiversité. À la veille de l’ouverture de la COP15 biodiversité au Canada, l’Office national des statistiques a pointé, mardi, que seule une poignée d’entreprises au Royaume-Uni surveillent leur impact sur la nature et la biodiversité, des chiffres qui n’incluent toutefois pas les entreprises agricoles.
Mais le pays a «un degré élevé de sécurité alimentaire», a affirmé le gouvernement, assurant être en contact avec les secteurs concernés «pour garantir qu’ils sont bien préparés à toute une gamme de scénarios».
Manque criant de travailleurs saisonniers
Au-delà des questions de coûts, qui flambent partout dans le monde, les agriculteurs d’outre-Manche souffrent aussi des conséquences du Brexit, qui a compliqué l’embauche de travailleurs européens sur lesquels s’appuyait le secteur. Le NFU demande au gouvernement d’accorder davantage de visas de travailleurs saisonniers, alors que certains producteurs ont vu, cette année, certaines de leurs cultures pourrir sur pied, faute de bras pour les récolter.
En décembre dernier, le gouvernement britannique avait étendu jusqu’à la fin 2024 la possibilité de recourir aux travailleurs saisonniers agricoles étrangers – avec au total 40’000 visas en 2022. Trop peu, selon la NFU: «Nous voulons 55’000 saisonniers par an sur une période continue de cinq ans», a martelé Minette Batters.