Ligue des champions de hockey: «La finale à Genève est la meilleure chose qui pouvait arriver»

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Ligue des champions de hockey«La finale à Genève est la meilleure chose qui pouvait arriver»

Martin Baumann se félicite que la patinoire des Vernets soit le théâtre, ce mardi, du match pour le titre. Le CEO de la Champions Hockey League commente la situation de sa compétition.

Chris Geiger
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Chris Geiger
Martin Baumann se montre positif pour l’avenir de la Champions Hockey League.

Martin Baumann se montre positif pour l’avenir de la Champions Hockey League.

CHL

La dixième édition de la Champions Hockey League (CHL), sous son nouveau format, connaîtra son épilogue ce mardi soir (19h30) aux Vernets. Ge/Servette sera-t-il le premier club suisse à triompher sur la scène continentale? Skelleftea ramènera-t-il une septième couronne européenne à la Suède?

À quelques heures du tant attendu lâcher de puck, le Zougois Martin Baumann, CEO de la compétition, dresse le bilan et répond aux critiques qui entourent son tournoi.

Martin Baumann, quel regard portez-vous sur votre compétition en tant que CEO de la Champions Hockey League (CHL)?

Elle s’améliore d’année en année. On aimerait évidemment constater de plus grands progrès, notamment en termes de spectateurs. Ceux-ci ont été notables dans certaines régions, mais on s’attendait également à mieux dans d’autres pays. Sur le plan sportif, c’est par contre super ce qu’on a déjà réussi à accomplir. En ce sens, les entraîneurs, les joueurs, les clubs et les fans sont très satisfaits du «produit» CHL.

«Si Genève avait au moins affiché la même moyenne de spectateurs qu’en National League, il n’aurait pas forcément perdu de l’argent.»

Martin Baumann, CEO de la Champions Hockey League

Selon vous, le changement de format instauré en début de saison a-t-il aidé?

Oui, je pense que cela a été une grande réussite. On devait trouver une solution afin de créer un format plus intéressant, avec 24 équipes au lieu de 32. La principale raison à cette diminution du nombre de participants était de rendre la CHL plus exclusive. Celle-ci est devenue un «produit» très prestigieux, car les équipes doivent désormais vraiment performer dans leur ligue domestique si elles entendent se qualifier. On a ensuite décidé de supprimer le format «aller-retour» lors de la phase préliminaire. Les fans ont apprécié cette nouveauté car ils peuvent désormais découvrir six adversaires différents. Ce qui est bien plus intéressant et plus attrayant selon moi. Tout comme le fait que le 1er défie le 16e, et ainsi de suite, lors de la phase finale.

Pareil format sera d’ailleurs également adopté dès la prochaine Ligue des champions de football…

Il faut savoir que l’une des personnes avec qui l’on a collaboré pour créer ce modèle est aussi à l’origine du nouveau format de la Ligue des champions pour l’UEFA. On a été très fiers lorsqu’une délégation de l’UEFA, composée de six personnes, est venue nous rendre visite dans nos bureaux pour nous interroger sur notre expérience. Cela a été très excitant de travailler avec ces personnes.

Le GSHC a éliminé les Finlandais du Lukko Rauma en demi-finale de la compétition.

Le GSHC a éliminé les Finlandais du Lukko Rauma en demi-finale de la compétition.

BASTIEN GALLAY / GALLAYPHOTO

Au football, la Ligue des champions est une compétition très lucrative. Quid de la vôtre?

On ne peut pas comparer, mais c’est ce que malheureusement tout le monde fait. Ce n’est pas correct. Le football brasse tellement d’argent… Le hockey est un sport régional, très populaire en Suisse. Notre prize money s’élève à 2,5 millions. C’est déjà une somme conséquente. On n’avait jamais atteint un tel total jusqu’à cette année. Il faut toutefois relativiser ce chiffre, car les équipes sont appelées à voyager, à utiliser des vols en charter, ce qui coûte beaucoup d’argent. Si les clubs ne parviennent pas à remplir leur patinoire, alors ils ne génèrent pas assez de revenus pour couvrir toutes leurs dépenses. Cette saison, on a redéfini certains droits et ceux-ci sont plus nombreux que lors des années précédentes.

À en croire le président de Genève-Servette, Philippe Baechler, la CHL ne demeure toutefois pas rentable…

Pour être honnête, ce n’est pas vraiment correct. La billetterie et les revenus réalisés à la patinoire vont entièrement dans les caisses du club. Si un club décide d’intégrer la phase finale de la CHL dans l’abonnement du championnat, ou de faire les billets à moitié prix, alors il perdera de l’argent. Beaucoup de clubs adoptent une stratégie différente pour les «play-off». Par exemple, certaines équipes ont réalisé d’énormes bénéfices la saison dernière grâce à la billetterie. Si Genève avait joué ses matches à domicile à guichets fermés, ou s’il avait au moins affiché la même moyenne de spectateurs qu’en National League, alors il n’aurait pas forcément perdu de l’argent.

«On a des discussions avec la NHL. Le but serait que le champion d’Europe affronte le vainqueur de la Coupe Stanley.»

Martin Baumann, CEO de la Champions Hockey League

Selon vous, pourquoi les spectateurs ne répondent-ils pas plus présents lorsque le champion de Finlande ou de Suède vient à Genève ou en Suisse?

C’est un problème tant pour la CHL que pour le club et on doit trouver ensemble des solutions. Au football, tout le monde connaît Ronaldo ou Messi, Manchester City ou Liverpool. Au hockey, personne ne connaît les stars de Skelleftea. C’est pourquoi la CHL et les clubs doivent travailler ensemble pour mieux vendre et promouvoir les adversaires. En Suisse, les fans ne s’intéressent qu’à leur propre équipe. Dans un tournoi international, je pense qu’il est important de connaître l’adversaire. En ce sens, les médias et les télévisions ont un grand rôle à jouer dans la promotion de la compétition.

Vous évoquez les affluences à Genève. Seulement 4300 personnes avaient assisté à la demi-finale aller aux Vernets. Comment l’expliquez-vous?

C’est une bonne question. Les fans de hockey sont très traditionnels. Ils préfèrent assister à un derby contre leur plus grand rival. Cela reste pourtant quelque chose de super de découvrir les meilleures équipes du continent. J’ai toujours pensé que la Suisse était l’une des deux meilleures ligues européennes. Or, seuls les Suédois et les Finlandais ont remporté cette compétition jusqu’à présent. Pour les clubs suisses, cela prend plus de temps que prévu.

La patinoire des Vernets n’avait pas fait le plein, le 5 décembre dernier, lors du quart de finale entre Ge/Servette et les Växjö Lakers.

La patinoire des Vernets n’avait pas fait le plein, le 5 décembre dernier, lors du quart de finale entre Ge/Servette et les Växjö Lakers.

BASTIEN GALLAY / GALLAYPHOTO

À vous entendre, il semble important qu’un club issu d’un autre pays que la Suède ou la Finlande remporte à terme le trophée?

Les affiches des demi-finales avec des clubs suédois, finlandais, tchèque et, donc, suisse ont été idéales au niveau du marché télévisuel. Même si je suis censé rester neutre, j’espère évidemment qu’un club suisse remporte la CHL. Ce serait mon scénario rêvé. Le fait d’accueillir la finale à Genève est d’ailleurs la meilleure chose qui pouvait arriver pour notre «produit».

Quels sont les axes d’amélioration pour la CHL dans le futur?

D’abord, il faut garder le niveau sportif actuel et veiller à ce qu’il ne se détériore pas. On doit être excellents en marketing. Sur l’aspect numérique, on doit essayer d’éduquer les gens. En termes de statistiques, de vidéos ou de newsletters, on doit continuer de proposer des éléments très sophistiqués. On aimerait attirer de nouveaux fans. En ce sens, certaines histoires «féériques», avec de nouvelles équipes, pourraient aider. Comme lorsque 700 ou 800 fans de Rapperswil avaient voyagé jusqu’en Finlande. Cela avait été un franc succès. J’aimerais voir de telles choses plus souvent. Je souhaiterais aussi voir plus de matches à guichets fermés, car cela rendrait mieux à la télévision. Cela engendrerait de plus gros droits TV, plus de sponsors et donc plus de revenus. On travaille tous les jours avec ce but en tête. Dans le futur, on aimerait aussi établir une relation avec la NHL. On a d’ailleurs des discussions avec cette ligue. Le but serait que le champion d’Europe affronte le vainqueur de la Coupe Stanley.

«Pourquoi le hockey ne serait-il pas capable de faire aussi bien que le football, le basketball ou le handball?»

Martin Baumann, CEO de la Champions Hockey League

Une amélioration du prize money est-elle également prévue pour la saison 2024-2025?

Ce sera plus ou moins pareil, avec quelques petites adaptations. On sait exactement combien d’argent on va générer aux niveaux du marketing et des médias jusqu’en 2027-2028. Pour les clubs, avec tous les droits dont ils bénéficient, je suis sûr qu’ils ont un gros potentiel d’amélioration. Si un club venait vraiment à être actif dans la vente de maillots ou d’autres produits dérivés, alors il générerait bien plus d’argent. Les organisations ont également reçu un «package» digital pour la première fois. C’est-à-dire qu’ils peuvent utiliser tous les clips vidéos et les différents posts sur les réseaux sociaux qu’ils souhaitent. Ils peuvent intégrer dans ceux-ci un sponsor digital, ce qui génère de l’argent. Dès la saison prochaine, on va collaborer avec les clubs de manière plus rapprochée afin de les aider à mieux vendre leurs droits marketing. Et donc à générer plus d’argent.

Si la moyenne des spectateurs ne s’améliore pas à terme, l’avenir de la CHL pourrait-il être menacé?

Je suis dur avec les journalistes, mais je suis fatigué de lire uniquement des articles négatifs sur notre compétition. Si on arrête la CHL demain, les journalistes vont pleurer et seront déçus car ils reconnaissent, au final, que le produit est super, que c’est du super hockey. C’est main dans la main qu’on doit effectuer le prochain pas. Ce tournoi n’est-il pas positif pour le développement du hockey? Pourquoi le hockey ne serait-il pas capable de faire aussi bien que le football, le basketball ou le handball? Depuis dix ans, la CHL et les clubs ont beaucoup investi. Pour les sponsors de Ge/Servette, une exposition en Scandinavie, par exemple, est également une bonne chose. Il y a tellement de situations «win-win».

Malgré les apparences, Vincent Praplan, Roger Karrer et les Genevois ont pris très au sérieux la CHL.

Malgré les apparences, Vincent Praplan, Roger Karrer et les Genevois ont pris très au sérieux la CHL.

BASTIEN GALLAY / GALLAYPHOTO

Du coup, comment voyez-vous l’avenir?

Je suis très positif. Par exemple, on n’a jamais eu autant d’intérêt de la part de la NHL qu’actuellement. On a eu énormément de grands matches cette saison, aux quatre coins de l’Europe. Par contre, on doit s’assurer que la prochaine fois que Ge/Servette dispute une demi-finale, ce soit à guichets fermés. Mais il y a un nouveau record, cette saison, au niveau de l’affluence globale en Suisse. C’est aussi le cas en Allemagne et en Tchéquie. Le nombre de spectateurs ne fait qu’augmenter.

La solution passera-t-elle par une politique de prix revue à la baisse?

Si, au football, mon club suisse préféré joue contre Young Boys, je ne serais probablement pas prêt à débourser 50 francs. Par contre, je serais certainement prêt à acheter 100 à 150 francs un billet pour un match contre le Bayern Munich, Manchester City ou Liverpool. Selon moi, si un club vend ses billets pour trois fois rien, ça sous-entend que le produit ne vaut pas grand-chose. Je pense que les clubs de hockey doivent changer leur stratégie de ticketing et s’inspirer du football. Mais cette stratégie leur appartient complètement.

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