Critique cinéBurné, «Mission Impossible 7» est aussi un film déséquilibré
La nouvelle aventure de l’agent Ethan Hunt, toujours campé par Tom Cruise, est moins réussie que les trois dernières. À découvrir dès ce mercredi 12 juillet au cinéma.
- par
- Laurent Siebenmann
Mettons-nous d’accord tout de suite: «Mission impossible: Dead Reckoning, partie 1», qui sort ce mercredi 12 juillet dans les salles romandes, est un très agréable film d’action et d’espionnage. Tous les ingrédients que l’on attend d’une aventure d’Ethan Hunt et de ses acolytes sont bien présents. Le spectacle est donc au rendez-vous. Si vous appréciez ce genre de blockbuster estival, vous allez prendre votre pied. Pour autant, si l’on veut se livrer au jeu de la critique, ce septième épisode cinématographique adapté de la série télévisée homonyme est en deçà des trois précédents films.
Dans «Mission impossible: Dead Reckoning, partie 1», Hunt, impeccablement campé par le toujours fringant Tom Cruise, doit mettre la main sur une double clé lui donnant accès au cœur de l’Entité, une intelligence artificielle surpuissante et particulièrement menaçante pour la paix des braves. Évidemment, d’autres sinistres personnages vont tenter, eux aussi, de posséder cette double clé. Trahisons, coups bas, cascades improbables et bourre-pifs en vue.
Un excès de gourmandise
Comme annoncé dans son titre, ce septième «Mission impossible» n’est que la première partie d’une histoire qui sera racontée en deux longs-métrages. Et c’est sans doute là qu’est le problème: Tom Cruise et son réalisateur, Christopher McQuarrie, n’auraient-ils pas péché par excès de gourmandise? Car, à vouloir remplir les plus de 2 h 30 que dure «Dead Reckoning, partie 1», les deux lurons ont manifestement étiré le scénario au maximum de ses capacités.
En résulte un film déséquilibré qui souffre de quelques longueurs coupables et, parfois, d’un cruel manque de rythme. Ce que le bon «Protocole fantôme» (2011), l’extraordinaire «Rogue Nation» (2015) et l’excellent «Fallout» (2018) avaient su brillamment éviter. On montrera du doigt, en particulier, la scène se déroulant dans l’aéroport d’Abu Dhabi, une interminable poursuite à travers Rome et la cascade finale, elle aussi d’une durée excessive.
Et votre équipe, Mr Hunt?
Très bavard, «Dead Reckoning, partie 1» renoue aussi, malheureusement, avec les travers des deux premiers «Mission impossible»: l’équipe d’Ethan Hunt joue les utilités, reléguée un peu en arrière-plan, au profit des seules turpitudes de Tom Cruise. Bien dommage, lorsqu’on se souvient à quel point Jeremy Renner, Paula Patton, Ving Rhames et Simon Pegg étaient pleinement parties prenantes des deux ou trois derniers films. Ne parlons même pas de Rebecca Ferguson dont l’intéressant personnage est, dans ce septième métrage, vilipendé.
Et les cascades? Elles sont évidemment impressionnantes. Avec un bémol toutefois: le fameux saut dans le vide à moto de Tom Cruise fiche bien moins les frissons dans le film que dans les making-of largement diffusés sur la Toile. La faute, notamment, à quelques retouches CGI mais aussi à la façon totalement absurde dont l’affolante cabriole est justifiée dans le scénario. Tout ça est emballé par une bande originale peu inspirée de Lorne Balfe qui use et abuse du fameux thème «The Plot», au milieu d’incessantes percussions, quasi tout au long de l’aventure. On est loin des BO fantastiques de Danny Elfman («Mission impossible», 1996) et de Joe Kraemer («Mission impossible: Rogue Nation», 2015).
Géniale Hayley Atwell
Heureusement, il y a aussi des points positifs dans «Dead Reckoning, partie 1», dont Hayley Atwell n’est pas des moindres! La comédienne découverte dans «Captain America» est tout simplement extraordinaire. Dans la peau de Grace, une arnaqueuse et voleuse pas piquée des hannetons, elle vole souvent la vedette à Tom Cruise. Espiègle, drôle, décalée mais aussi sensible, son personnage sauve nombre de scènes et apporte une sacrée pêche à ce film. On se réjouit déjà de la retrouver dans «Dead Reckoning, partie 2» attendu en 2024, si la grève actuelle des scénaristes ne retarde pas la fin de son tournage et de sa production.
Le classement des «Mission impossible»
7. «Mission impossible 2» (2000)
Après un premier film passionnant, John Woo servait une aventure très (trop) esthétisante, maniérée à l’extrême. Ne comprenant visiblement rien au concept de «Mission impossible», le réalisateur livrait une aventure lourdingue, bourrée de ralentis inutiles et de scènes absurdes (le coup de pied de Cruise dans le sable qui en fait rebondir un lourd flingue). Rien, à part peut-être la grimpette sur des rochers de Tom en début de métrage, n’est véritablement à retenir de cet épisode raté.
6. «Mission impossible 3» (2006)
Montrer les faiblesses d’Ethan Hunt, appelant de ses vœux une vie ordinaire, avec son épouse? Pourquoi pas. Et quand la vie de sa femme devient un des enjeux du film, on gagne en émotion. Si on ajoute à cela que J. J. Abrams, qui met le métrage en scène, tente de renouer avec l’esprit de la série. Que Simon Pegg fait ici son apparition. Et que le grand méchant, particulièrement odieux, de cet épisode est joué par le regretté Philip Seymour Hoffman, on obtient une très honnête cuvée. Mais le meilleur est à venir.
5. «Mission impossible: Dead Reckoning, partie 1» (2023)
Après trois épisodes réussis juste avant, ce film apparaît déséquilibré car son scénario semble étiré pour durer le temps de deux épisodes. Et Tom Cruise oublie à nouveau ses comparses (normal, il est redevenu une grosse star grâce au dernier «Top Gun»…). Ça reste du beau spectacle. Mais un peu en deçà de la qualité à laquelle la série nous avait habitués. Pour les détails, critique à lire ci-dessus.
4. «Mission impossible: Protocole fantôme» (2011)
Ça y est! Entre les mains du cinéaste Brad Bird, Tom Cruise comprend enfin que «Mission impossible», ce sont d’abord les aventures d’une ÉQUIPE. Et celle-ci est de choc: alors que Cruise est en disgrâce à Hollywood, on lui adjoint Jeremy Renner, Paula Patton et, donc, Simon Pegg. Très bien filmé, quasi hitchcockien, ce «Protocole fantôme» propose également une des plus grandes cascades de la série. À savoir, Tom Cruise escaladant le vertigineux Burj Khalifa, à Dubaï, dans une scène à couper le souffle.
3. «Mission impossible: Fallout» (2018)
Pas loin d’être une réussite totale, cette aventure un peu plus sombre que les deux précédentes approfondit la personnalité d’Ethan Hunt. Suite de «Rogue Nation» (le méchant est le même, l’horrible Solomon Lane joué par Sean Harris), «Fallout» offre de beaux rôles à toute la troupe de la MIF. On y retrouve aussi Alec Baldwin, la mystérieuse Vanessa Kirby et, dans un rôle de bad guy musculeux, Henry Cavill. Là aussi, on voyage beaucoup (à Paris notamment). Et on retient son souffle face aux cascades de Tom Cruise, suspendu sous un hélicoptère, puis pilotant réellement l’engin (il a appris pour le film, rien que ça). Applaudissements.
2. «Mission impossible» (1996)
C’est le premier film, la matrice. Mise en scène par Brian De Palma, cette aventure épurée lors de laquelle Ethan Hunt est accusé d’avoir trahi et zigouillé les membres de son unité reste une valeur sûre, avec des images inoubliables. Telle celle où, suspendu à des cordes, il commet un casse à Langley, dans les locaux de la CIA. Très noir, le récit se permet un sacrilège: faire de Jim Phelps, le héros de la série télévisée, le grand méchant. Emmanuelle Béart et Jean Reno jouent les utilités. Sobre et très efficace, même presque trente ans après.
1. «Mission impossible: Rogue Nation» (2015)
S’il ne devait y en avoir qu’un, ce serait celui-là: avec «Rogue Nation», Christopher McQuarrie signe l’épisode parfait. Avec son ouverture spectaculaire, où Tom Cruise s’accroche à un avion qui décolle, à sa fin quasi intimiste à Londres, bourrée de suspense, ce long-métrage enchaîne les séquences et les trompe-l'œil sans fausse note. Ethan Hunt y pourchasse le mystérieux Syndicat et son chef Solomon Lane. C’est dans ce film qu’apparaît Ilsa Faust (Rebecca Ferguson), personnage haut en couleur. Toute l’équipe est mise à contribution. «Mission impossible» tourne à plein régime. Difficile de faire mieux.