EspaceLe télescope James Webb enfin prêt à embrasser l’Univers
Imaginé dès 1989, il devait partir dans l’espace dans les années 2000. Le télescope géant James Webb, un monstre de précision, sera finalement lancé juste avant Noël.
Trente ans que les astronomes l’attendent: le télescope James Webb, le plus grand et le plus puissant jamais envoyé dans l’espace, est enfin prêt à rejoindre les étoiles, pour remonter aux origines de l’Univers et explorer des planètes extrasolaires semblables à la Terre.
Le 22 décembre, le télescope phare de la Nasa marchera dans les pas du mythique Hubble, avec l’ambition d’éclairer plus avant l’humanité sur ces questions qui la taraudent: «D’où venons-nous?» et «Sommes-nous seuls dans l’Univers?» a résumé Amber Straughn, astrophysicienne de la Nasa, lors d’une conférence de presse.
Imaginé dès 1989, le «JWST» (James Webb Space Telescope, du nom d’un ancien dirigeant de la Nasa) a été élaboré avec l’aide des agences spatiales européenne (ESA) et canadienne (ESC) pour ses instruments. D’innombrables problèmes de développement ont conduit à maints reports de son lancement, prévu dans les années 2000, et à un quasi-triplement du coût, aujourd’hui proche de dix milliards de dollars.
Lancé depuis la Guyane française
Fabriqué aux États-Unis, il a finalement rejoint à l’automne Kourou, en Guyane française, d’où une fusée Ariane 5 le propulsera dans l’espace. «Il n’y a plus qu’à remplir les réservoirs!» s’enthousiasme Pierre Ferruit, coresponsable scientifique du télescope pour l’ESA. «Il y a beaucoup d’excitation, on attend ce moment depuis si longtemps», confie cet astrophysicien. Comme pour plusieurs milliers de scientifiques et d’ingénieurs, cette mission représente l’essentiel de sa carrière.
Et déjà, les chercheurs se bousculent au portillon: «C’est très compétitif pour obtenir du temps d’observation: rien que pour la première année de mise en service, l’ESA a reçu plus de 1000 propositions», indique-t-il.
Trois fois Hubble
Cet «observatoire généraliste», sans égal en taille et en complexité, est doté d’un immense miroir, composé de 18 segments hexagonaux, mesurant 6,5 mètres de diamètre, soit près de trois fois celui de Hubble. Il est si grand qu’il a fallu le plier pour tenir dans la coiffe de la fusée, tel un origami. Une fois dans l’espace, l’enjeu sera de déployer pleinement son miroir et son pare-soleil, grand comme un court de tennis, avant de calibrer ses quatre instruments.
Le «monstre» sera placé en orbite autour du Soleil, à 1,5 million de kilomètres de la Terre, bien au-delà des limites de son grand frère, qui opère à 600 km d’altitude depuis 1990. Minutieusement choisie, cette destination, appelée point de Lagrange 2, lui assure une position «avec la Terre, le Soleil et la Lune tous du même côté de son pare-soleil, ce qui le place dans l’obscurité et dans un très grand froid», a expliqué Pierre Ferruit.
Il pourra ainsi travailler à l’abri des perturbations, condition indispensable à son acuité visuelle, déployée dans le domaine de l’infrarouge: une longueur d’onde invisible à l’œil nu que Hubble ne pouvait voir. «Il est tellement puissant que si vous étiez un bourdon à 380’000 km d’ici, soit la distance Terre-Lune, on pourrait vous voir», selon le cosmologiste John Mather, l’un des pères scientifiques de la mission. Le JWST sera ainsi capable de capter les faibles lueurs émises par les toutes premières galaxies, et leurs premières étoiles en formation. Cela s’est passé très, très loin, et donc il y a très, très longtemps.