Inflation – Manger ou se chauffer? Les Britanniques face à l’envolée des prix

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InflationManger ou se chauffer? Les Britanniques face à l’envolée des prix

En Angleterre, les prix flambent et nombre de Britanniques ont de plus en plus recours aux banques alimentaires, qui se retrouvent débordées.

Une bénéficiaire de la banque alimentaire Trussell Trust sort avec un chariot de produits de première nécessité, le 20 janvier 2022 à Colchester, dans l'est de l'Angleterre

Une bénéficiaire de la banque alimentaire Trussell Trust sort avec un chariot de produits de première nécessité, le 20 janvier 2022 à Colchester, dans l'est de l'Angleterre

AFP

«J’ai beaucoup de mal à joindre les deux bouts»: les prix flambent et nombre de Britanniques comme Heidi peinent à se chauffer et manger, au point que les banques alimentaires se retrouvent débordées. Dans la queue pour chercher son colis à Colchester, dans l’est de l’Angleterre, cette femme de 45 ans confesse: «D’habitude, je mets quelque chose de côté pour les banques alimentaires, mais maintenant c’est à mon tour d’y avoir recours».

En cause ? Une hausse des prix sur «tout» et des «factures très élevées»: «Mon électricité a augmenté. J’y dépense probablement 80 livres (95 euros) par mois désormais, contre 40 ou 50 l’année dernière.» L’inflation a atteint 5,4% en décembre, son plus haut niveau depuis trente ans, conduisant de nombreux Britanniques à pousser pour la première fois la porte des banques alimentaires.

En 2021, celle de Colchester, nichée au milieu d’une zone commerciale, a distribué 165 tonnes de nourriture, soit assez pour nourrir quelque 17’000 personnes. mais son directeur Mike Beckett s’attend à ce que cela augmente à 20.000 personnes en 2022. «Si les choses empirent, cela pourrait aller jusqu’à 25’000 personnes», «un cauchemar», se désole-t-il, alors que dans leur «pire scénario», près de 30’000 personnes pourraient devoir recourir à l’aide de cette structure.

Un cocktail explosif

Selon la Trussell Trust, qui gère la banque alimentaire, le nombre de gens recevant des colis d’urgence dans ses centres à travers tout le Royaume-Uni est passé de 26’000 personnes en 2009 à plus de 2,5 millions l’année dernière. Pour la journaliste et militante engagée contre la pauvreté Jack Monroe, le coût réel de nombreux produits alimentaires de base a augmenté bien plus que l’inflation annoncée en décembre.

Elle explique ainsi que 500 grammes des pâtes les moins chères de son supermarché local coûtaient 29 pence (0,35 euro) il y a un an, contre 70 pence aujourd’hui, soit une hausse de 141%. Le riz est lui passé de 45 pence le kilo à une livre pour 500 grammes: «C’est une augmentation de prix de 344% qui frappe les ménages les plus pauvres et les plus vulnérables», a-t-elle dénoncé sur Twitter.

La militante y accuse le système qui permet de mesurer l’impact de l’inflation d’être «fondamentalement défectueux», car «il ignore complètement la réalité et la VRAIE augmentation des prix pour les personnes au salaire minimum, les clients des banques alimentaires et des millions d’autres.» Un constat partagé par Mike Beckett, selon qui la mesure de l’inflation «ne tient pas vraiment compte de l’augmentation des prix des aliments bon marché, qui augmentent de plusieurs centaines de pourcents».

Couplé à la décision du gouvernement de ramener les prestations sociales, augmentées pendant la pandémie, à leur niveau initial, cela donne un cocktail explosif. «Les gens nous expliquent que ça leur a pris une heure pour trouver le courage de venir», confie le directeur de la banque alimentaire, beaucoup «ne pensaient pas qu’ils en auraient un jour besoin, mais ils n’ont pas le choix».

Hausses supplémentaires

Selon un rapport de la Fondation Joseph Rowntree publié en janvier, certaines caractéristiques des aides sociales (l’attente de cinq semaines avant les premiers versements, les allocations familiales plafonnées à deux enfants...) «conduisent directement à une plus grande insécurité alimentaire et contribuent à l’augmentation du recours aux banques alimentaires».

Malgré cette situation déjà compliquée, le coût de la vie devrait encore augmenter en avril pour les ménages britanniques, en raison d’une hausse des cotisations sociales décidée par le gouvernement pour financer le système de santé et de nouvelles augmentations des factures d’énergies, qui pourraient atteindre 50%. En conséquence, un nombre encore plus important de ménages britanniques se trouve menacé de précarité énergétique, dépensant plus de 10% de leurs revenus pour leurs besoins en énergie.

«Nombreux sont ceux qui se retrouvent dans cette situation pour la première fois», se désole Heidi. Elle invite «tout le monde à mettre quelque chose» dans les paniers des banques alimentaires, «parce qu’on ne sait jamais quand on va se retrouver dans cette situation».

(AFP)

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