Qatar 2022Ce qu’il faut savoir sur l’équipe de Serbie
Malgré des scénarios distincts, les matches contre le Brésil (0-2) et le Cameroun (3-3) ont livré plusieurs enseignements sur l’identité de la Serbie. Gros plan avant le choc face à la Suisse.
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Avec une défaite et un nul, la Serbie réalise une entame de Coupe du monde indigne des attentes placées en elle.
ImagoC’est l’heure de vérité. L’équipe de Suisse joue son avenir en Coupe du monde ce vendredi, face à la Serbie (20 heures). Victorieuse du Cameroun (1-0) lors de son entrée en lice puis battue par le Brésil (0-1), la Nati tient son destin en main avant son dernier match de poules. 2e du groupe G avec 2 points d’avance sur son adversaire du soir ainsi que sur les Lions indomptables, elle peut en théorie se contenter d’un nul pour passer en 8es de finale. Mais se satisfaire d’un tel scénario s’avère périlleux. Parce qu’elle n’est pas à l’abri d’une victoire surprise du Cameroun contre le Brésil. Et parce que s’avance devant elle une mystérieuse formation serbe.
Les «Aigles» se rendaient au Qatar fort ambitieux, gonflés par leur remarquable bilan comptable depuis l’arrivée sur le banc de l’icône nationale Dragan Stojkovic, en mars 2021: 14 victoires et 4 nuls pour seulement 3 défaites. Or, le début de la compétition a douché l’enthousiasme. Au revers sans saveur contre le Brésil (0-2) a succédé un sabordage dans les grandes largeurs face au Cameroun (3-3). Ces deux oppositions ont certes offert des physionomies différentes, mais elles ont livré de précieuses informations sur la Serbie, que le staff helvétique n’aura pas manqué de relever. Le point en quatre axes.
L’organisation tactique
Depuis sa prise de fonction, Dragan Stojkovic travaille autour d’un système à trois défenseurs centraux dont il ne déroge pas. Une contrainte plus qu’un choix, assure Lazar van Parijs, suiveur de la sélection serbe pour le site Footballski: «Excepté Filip Mladenovic, cette équipe ne possède aucun latéral de métier». Ceux-ci sont remplacés par des pistons relativement portés vers l’avant: Filip Kostic à gauche et Andrija Zivkovic à droite avec, en solutions de remplacement, Nemanja Radonjic et Darko Lazovic. Tous des milieux offensifs, voire ailiers pour certains.
Avant le Mondial, les «Aigles» opéraient le plus souvent à deux attaquants axiaux, profitant là aussi de l’abondance de biens avec Dusan Vlahovic, Aleksandar Mitrovic et Luka Jovic, qui pèsent 70 buts en 125 sélections à eux trois. Derrière, on retrouvait l’élégant Dusan Tadic en meneur de jeu puis la star Sergej Milinkovic-Savic dans un rôle de milieu relayeur. La Serbie avait ainsi trouvé son équilibre en 3-4-1-2, en répartissant ses forces sur l’ensemble du terrain.
Celui-ci a été fragilisé par la blessure de Vlahovic, fin octobre. Bien que le buteur ait été retenu pour le Mondial, il ne pouvait débuter le tournoi à 100%, contraignant Dragan Stojkovic à repenser son onze. Plutôt que de le remplacer poste pour poste par Jovic, «Piksi» - comme il est surnommé au pays - a préféré passer en 3-4-2-1, conservant Mitrovic seul en pointe et faisant grimper d’un cran Milinkovic-Savic pour le placer au côté de Tadic. Prometteuse sur le papier, cette doublette de leaders techniques a, dans les faits, créé un autre souci. «Avec cette réorganisation, ces deux-là se marchent dessus», déplore Lazar van Parijs.
Puisque la formule n’a pas porté ses fruits sur les deux premiers matches, que l’impératif de victoire oblige la Serbie à jouer l’offensive et que Vlahovic est annoncé prêt, Dragan Stojkovic pourrait revenir au 3-4-1-2 ce vendredi soir. C’est en tout cas l’espoir de la plupart des observateurs.
L’identité de jeu
Vu les profils qui la composent, cette Serbie est naturellement portée vers l’avant. Privée du ballon par le Brésil (41,3% de possession), elle en a été maîtresse face au Cameroun (56,7%). Difficile de dégager une identité à la vue de ces deux matches. La réalité se situe plus sûrement au milieu. Avant le début du Mondial, la sélection affichait une possession moyenne de 55,4% par sortie sous Stojkovic. Cela traduit sa volonté de se montrer proactive, sans être dogmatique pour autant. «C’est une équipe offensive, qui n’est pas faite pour subir, mais n’a pas d’autre choix que d’être dominée par les gros», résume Lazar van Parijs.
«C’est une équipe offensive, qui n’est pas faite pour subir, mais n’a pas d’autre choix que d’être dominée par les gros»
Autre statistique illustrant son désir de contrôler le jeu: le PPDA (passes accordées à l’adversaire par action défensive). Plus l’indicateur est faible, plus le pressing exercé est intense. Dans ce domaine, la Serbie est l’une des meilleures nations de cette Coupe du monde (8,75). Seuls le Mexique (6,9), les Pays-Bas (7,59), l’Espagne (7,71) et l’Argentine (7,87) font mieux. La Suisse peut s’attendre à être mise sous pression.
Les points forts
Si les «Aigles» se sont fixé l’objectif d’atteindre la phase à élimination directe, ce qu’ils ne sont encore jamais parvenus à réaliser dans une grande compétition internationale, c’est avant tout parce qu’ils s’appuient sur l’une des générations les plus talentueuses de leur histoire. Au sein d’un groupe G homogène, ils présentent les individualités les plus redoutables, derrière le Brésil. Dragué depuis plusieurs années par les cadors européens, Milinkovic-Savic (Lazio Rome) est la tête de gondole d’un effectif composé de Tadic (Ajax), Vlahovic, Kostic (Juventus Turin), Mitrovic (Fulham) et Jovic (Fiorentina), entre autres. Autant de stars capables de faire la différence à tout moment.
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Sergej Milinkovic-Savic (à gauche) et Dusan Tadic, les deux leaders techniques de la Serbie.
ImagoQui plus est, Dragan Stojkovic jouit de profils variés et complémentaires, qui lui offrent une multitude de possibilités. «Il y a des joueurs capables de faire tourner le ballon, d’autres qui peuvent jouer la contre-attaque. Tu as deux avant-centres de taille avec Vlahovic (ndlr: 1,90 m) et Mitrovic (ndlr: 1,89 m), compatibles avec de super centreurs comme Kostic ou Lazovic. Sur le banc, Jovic t’apporte un autre registre, énumère Lazar van Parijs. Stojkovic a ce qu’il faut pour s’adapter en cours de match.»
Les points faibles
Avoir les individualités est un bon début. Encore faut-il les inscrire dans une unité collective. Ce dont manquent cruellement ces Serbes. Le match contre les Camerounais a exposé leur friabilité au grand jour. Alors qu’elle menait 3-1, la Serbie a complètement déjoué, laissant son adversaire revenir à égalité en l’espace de trois minutes. Le même scénario s’était produit en juin face à la Slovénie (2-2), en Ligue des nations. Avec un peu plus de 31 sélections par tête en moyenne, le manque d’expérience ne peut entrer en ligne de compte. L’explication est d’ordre psychologique. «Le mental de cette équipe est un problème relevé bien avant ce Mondial», relaye Lazar van Parijs.
Observateur de la compétition pour le média Coparena, Christophe Kuchly constate chez la Serbie une «extrême naïveté», notamment dans l’aspect défensif. En illustre le positionnement «étrange» de l’arrière-garde sur les deux derniers buts encaissés face au Cameroun, encore. «Pourquoi jouer le hors-jeu à 40 mètres de ton but à ce moment de la rencontre, alors que tu mènes 3-1 et que ton adversaire n’y est plus du tout?», s’interroge Christophe Kuchly. Surtout que le trio Strahinja Pavlovic - Milos Veljkovic - Nikola Milenkovic ne brille pas par sa vitesse.
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Sur le deuxième but camerounais, la défense serbe se rend coupable d’un mauvais alignement dont profitera Vincent Aboubakar (hors-champ).
Des 32 engagés, la Serbie est pour l’instant celle qui concède en moyenne le plus de tirs sur 90 minutes (16,04), ainsi que de tirs cadrés (8,5). Symbole de sa perméabilité. Elle a, en plus, cette capacité à se mettre elle-même en situation dangereuse puisqu’elle cherche dès que possible à relancer proprement alors qu’elle maîtrise fébrilement ce mécanisme. Il y a là une carence à exploiter pour la Nati. Si tant est qu’elle décide de sortir de son confort.