US OpenNick Kyrgios ne se reconnaît plus
Il l’admet volontiers: son parcours jusqu’en finale à Wimbledon l’a transfiguré. Titré depuis à Washington, l’Australien est devenu professionnel comme jamais il ne l’a été.
- par
- Jérémy Santallo
Fascinante. Ainsi pourrait-on qualifier la dernière conférence de presse de Nick Kyrgios, sur laquelle on est tombé en pleine nuit, il y a près de quarante-huit heures.
L’Australien sortait alors d’un âpre combat remporté face au Français Benjamin Bonzi 7-6, 6-4, 4-6, 6-4. Sa casquette toujours vissée en arrière sur sa tête, le récent finaliste de Wimbledon a d’abord répondu ainsi au modérateur. «Je n’ai probablement pas relancé aussi bien que je l’aurais voulu. Je suis si stressé dorénavant parce qu’à chaque match que je joue, je m’attends à très bien jouer. Ce n’est pas réaliste dans un sport où vous jouez tous les jours, en voyageant. Et le niveau de compétition est tellement élevé.»
Fort bien luné face aux journalistes, «NK» n’avait pas manqué de cracher à destination de son équipe, trop «spectatrice» à son goût durant le match. Après la rencontre, le 25e joueur mondial au classement ATP a toutefois expliqué à quel point ceux qui l’accompagnent sur le circuit comptent à ses yeux.
«À ce stade de ma carrière, je n’ai juste pas envie de les laisser tomber. Je dirais même que je les représente. Je sais à quel point mon équipe travaille dur et me soutient, a-t-il expliqué, avant de remonter le temps. Je me souviens d’une conférence de presse ici (ndlr: à l’US Open) il y a trois ou quatre ans. J’avais perdu au 3e tour et me sentais horriblement mal de ne pas répondre aux attentes. Mais là, assis ici, je ressens probablement plus de pression que jamais dans ma vie. Je sais désormais que je suis capable d’aller en finale d’un Grand Chelem et je veux vraiment réussir et prendre mon équipe sur mes épaules. Je veux qu’on le fasse ensemble. Je suis un perfectionniste. Je peux jouer quatre ou cinq points excellents puis un autre et je deviens fou. C’est dur mais je veux avoir du succès avec eux. C’est probablement pour ça que j’ai de telles attentes.»
Le déclic, forcément, s’est produit du côté de Wimbledon Village. «J’ai voulu en quelque sorte réinventer mon tennis, pour revenir au sommet, là où je sais que j’ai ma place. La finale de Wimbledon a été un tournant dans ma tête. Si j’avais gagné cette partie (ndlr: défaite 6-4 6-3 6-4 7-6 contre Novak Djokovic), je ne sais pas où se situerait ma motivation à l’heure actuelle. Mais perdre après avoir été si proche du titre, cela a vraiment été difficile à avaler pour moi.»
Le dos est voûté, les épaules rentrées, le visage plus bas que le micro. On dirait presque qu’il a honte de celui qu’il est devenu tant il ne se reconnaît plus. «Gagner toutes ces rencontres, Washington… Je ne pensais pas que cela me mettrait autant de pression. Chaque jour, je regarde ce que je mange, comment je dors. À chaque séance d’entraînement, je fais en sorte que mes intentions soient bonnes. Pour être honnête, je ne sais presque plus qui je suis. Parce que ce n’est pas moi (…) J’ai l’impression d’être vraiment professionnel en ce moment. Je n’aurais jamais pensé que la finale de Wimbledon me rendrait ainsi. Je pensais que ce serait l’inverse, que je serais presque un peu laxiste et cool avec tout ça. Ouais, c’est stressant.»
Dans la nuit de vendredi à samedi, pour sa rencontre du 3e tour à Flushing Meadows, Nick Kyrgios devra se méfier de J.J. Wolf. L’Américain de 23 ans est monté sur ressorts et on l’a vu découper Roberto Bautista Agut au 1er tour. Mais avec le niveau d’exigence qui est désormais le sien, Nick Kyrgios a toutes les cartes en main pour ne pas se sentir «horriblement mal», comme en 2019 après cette élimination face à Andrey Rublev.