Hockey sur glaceLe coup de poker de Rapperswil: sortir son gardien en prolongation
Utilisée régulièrement par le CSKA Moscou, cette stratégie a été testée, sans succès, par les Lakers samedi à Ambri. Leur entraîneur Stefan Hedlund nous explique son point de vue sur le sujet.
- par
- Ruben Steiger
Samedi soir à la Gottardo Arena, Ambri a battu Rapperswil en prolongation. Le but gagnant a été inscrit par Dario Bürgler dans la cage vide. La raison? Rapperswil avait choisi stratégiquement de sortir son gardien afin de jouer avec un homme de plus sur la glace. «C’était la première fois avec Rapperswil, mais j’avais déjà essayé cela en Suède par le passé», a déclaré Stefan Hedlund, l’entraîneur des Saint-Gallois.
En revanche, ce n’est pas une première en Suisse. Christian Dubé l’avait fait avec succès la saison dernière lors d’un match contre Lugano. Cette stratégie a des avantages et peut s’avérer gagnante, mais elle nécessite de l’entraînement et des conditions favorables.
Créer la surprise dans la défense adverse
Le premier avantage de cette tactique est de créer la surprise et donc de déstabiliser la défense adverse. «On avait vu que quelque chose se tramait. On voyait que Hedlund discutait beaucoup avec son gardien avant la prolongation, a expliqué René Matte, entraîneur assistant d’Ambri. On a averti nos joueurs mais on ne s’attendait pas à ça. On imaginait plutôt un jeu préparé avec un homme qui rentre au banc et son remplaçant qui sort à l’autre extrémité.»
Cela a presque fonctionné puisque Rapperswil était tout près de s’offrir la victoire. «Grâce à notre prise de risque, on a eu une grosse chance de marquer», a rappelé le Suédois de 47 ans.
C’est lors de la deuxième sortie du gardien que la stratégie a moins bien fonctionné pour les Lakers. «Quand on a vu Cervenka sur la glace, on a su qu’il allait le refaire. Nos joueurs ont très bien réagi, ce qui nous a permis de récupérer le puck et d’aller marquer», a précisé l’adjoint de Luca Cereda.
Jouer avec un homme de plus
L’effet de surprise a également été total pour les spectateurs léventins. Ceux-ci étaient persuadés que Rapperswil jouait en surnombre et que les arbitres ne l’avaient pas vu. Et c’est bien-là le principal avantage de cette stratégie: jouer avec un homme de plus sur la glace.
«En se donnant l’opportunité d’évoluer à 4 contre 3, on augmente nos chances de gagner, a affirmé l’homme fort des Lakers. En restant à 3 contre 3, c’est du 50-50. Avec un patineur de plus, je suis persuadé que notre probabilité de gagner monte à 70%.»
Dans le camp adverse, le coup de poker est totalement compréhensible. «C’est clair que ça peut donner un avantage. L’équipe qui sort son gardien se retrouve en jeu de puissance face à des joueurs qui ne sont pas forcément prévus sur un désavantage numérique», a analysé René Matte.
Cela est d’autant plus efficace lorsqu’une équipe possède de bons joueurs de power-play, capables de conserver le puck sans déchet technique. C’est le cas de Rapperswil qui peut compter sur des attaquants au-dessus de la moyenne comme Roman Cervenka ou Nicklas Jensen.
Avoir le contrôle total du puck
En déployant une telle stratégie, le risque existera toujours. Afin de le diminuer, il convient pour la formation qui joue à 4 d’avoir un contrôle total du puck. L’entraîneur assistant des Tessinois pointe d’ailleurs un élément intéressant: «Entre le moment où le gardien sort et celui où le joueur est placé sur la glace, il y a quelques secondes de flottement. C’est sur ce court laps de temps que l’équipe à 3 doit presser et tenter de récupérer le puck, sinon ça devient très difficile.»
C’est justement lors de ce léger flottement que Jesse Virtanen a mis la pression sur Rapperswil. Grâce à son effort, les Biancoblu ont pu se saisir de la rondelle et aller s’offrir le point supplémentaire.
«Bien gérer le moment auquel le gardien sort et la manière de jouer d’une fois qu’il est dehors sont les deux points clés de cette tactique. On les travaille d’ailleurs souvent à l’entraînement», a détaillé le Suédois.
Une nouvelle tendance?
Si cette façon d’aborder les prolongations est encore rare en Suisse, elle est en vogue depuis plusieurs semaines en KHL. Le CSKA Moscou, via son entraîneur Sergei Fedorov, le fait régulièrement.
«Je pense que ça va se démocratiser. C’est un peu la mode actuelle. Il faut avoir du culot et prendre des risques. C’est quelque chose que nous avons déjà travaillé aussi à Ambri. Mais avant de prendre une telle décision, il y a plusieurs facteurs à analyser», a résumé René Matte.
Parmi ceux-ci, il s’agit de déterminer si l’équipe a plus de chances de remporter le match à 4 contre 3 qu’en allant aux tirs au but. Avec des tireurs du calibre de Cervenka, Rapperswil aurait pu se permettre d’attendre cet exercice. «Je n’ai absolument aucun regret. Comme je l’ai dit, on a eu nos chances de marquer et il ne nous a pas manqué grand-chose», a répété le coach des Lakers.
«J’aime tester des nouvelles choses sur la glace et je suis persuadé que sur le long terme, cette stratégie sera payante. D’ailleurs, je peux déjà vous dire que je vais le refaire plusieurs fois pendant la saison», a conclu un Stefan Hedlund très heureux de parler de sa stratégie au téléphone.
Le HC Ajoie et son entraîneur Filip Pesan, qui se déplacent vendredi à Rapperswil, sont maintenant prévenus.