Mort de 55 clandestinsMexico demande à Washington de changer de politique migratoire
Après l’accident meurtrier d’un camion de migrants, le président mexicain a demandé une «prise de conscience» et une prise en compte «des problèmes de fond».
Le Mexique a demandé vendredi aux États-Unis de réviser leur politique migratoire, au lendemain de la mort de 55 migrants en situation irrégulière dans un accident de camion dans le sud du pays, selon un dernier bilan. Selon les autorités, le drame a également fait 105 blessés dont trois graves. La plupart des victimes sont des ressortissants du Guatemala voisin (95 parmi les blessés), qui voyageaient cachés et entassés dans la remorque du camion, d’après la Garde nationale mexicaine.
Les victimes se rendaient vers Puebla plus au nord, et sans doute vers la frontière américaine, quand le camion s’est renversé jeudi soir sur l’autoroute près de Tuxtla Gutierrez, la capitale de l’État du Chiapas, frontalier du Guatemala.
«Chaque personne cherchant une vie meilleure mérite la sécurité et la dignité», a déclaré le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres, «horrifié». Le pape François s’est également déclaré «très peiné».
«Prise de conscience»
Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a demandé une «prise de conscience» et une prise en compte «des problèmes de fond», lors d’une conférence de presse. Les migrants centraméricains et haïtiens traversent le Mexique vers les États-Unis en nombre record cette année.
Le chef de l’État affirme avoir défendu cette position lors d’une rencontre avec le président Joe Biden mi-novembre. «Ce n’est pas un dossier simple pour le président Biden», a-t-il ajouté. «Nous allons continuer à dire avec insistance que le problème migratoire ne se résout pas avec des mesures coercitives, mais qu’il faut donner des opportunités de travail et de bien-être aux migrants», a ajouté le président.
À Mexico, l’ambassade des États-Unis a estimé, dans un message de condoléances sur Twitter, que cette tragédie «illustre ce pour quoi nous demandons instamment que personne ne risque sa vie par la migration clandestine».
Pour le Haut-commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), il faut «des alternatives migratoires et ouvrir des voies légales pour éviter des tragédies comme celles-ci».
Reste au Mexique
L’accident a eu lieu le jour même où deux premiers migrants ont été renvoyés des États-Unis vers le Mexique en vertu d’un programme mis en place à l’époque de l’ex-président Donald Trump (2017-2021), suspendu par Joe Biden mais réactivé sur décision de la Cour suprême américaine. Les migrants doivent attendre au Mexique la réponse à leur demande d’asile aux États-Unis, selon ce programme qui s’appelle «Quedate en Mexico» (Reste au Mexique).
L’Institut national de migration (INM) a proposé des permis provisoires de résidence humanitaire pour les survivants de l’accident, soignés dans les hôpitaux de la région.
Les migrants étaient entrés depuis «plusieurs jours» par la frontière avec le Guatemala, a indiqué le commandant de la Garde nationale, Luis Rodriguez Bucio. Le camion appartenait à une entreprise mexicaine et son chauffeur s’est enfui, d’après lui.
Sur place, les habitants ont participé aux premiers secours. «Il y avait énormément de gens à terre, certains étaient déjà morts. Avec d’autres gars, on a fait ce qu’on a pu pour aider les secouristes à sauver ceux qui donnaient encore des signes de vie», a raconté Isaias Diaz, arrivé quelques minutes après le drame et visiblement éprouvé. «J’ai vu cinq ou six enfants blessés. Des gens avec des blessures aux jambes, aux côtes, à la tête, au cou, partout».
Deuil national
Le président du Guatemala, Alejandro Giammattei, a promis «toute l’aide consulaire nécessaire, y compris des rapatriements», dans un message de condoléances sur Twitter.
Le Guatemala va décréter trois jours de deuil national, a annoncé le ministre guatémaltèque des Affaires étrangères Pedro Brolo qui s’exprimait devant un hôpital de Tuxtla Gutiérrez où sont encore soignés des blessés. Il a également décidé, avec son homologue mexicain, la création d’un groupe international chargé de démanteler le réseau de trafiquants à l’origine du drame.
Arrivées records
L’accident a eu lieu dans l’État du Chiapas, porte d’entrée des migrants en provenance d’Amérique centrale (Honduras et Salvador principalement) dans l’espoir de rejoindre les États-Unis. Leur transport en camion est l’une des méthodes habituelles utilisées par les passeurs. D’autres migrants préfèrent traverser le pays en «caravane» à pied, et en profitent pour revendiquer leurs droits.
Traditionnel couloir de passage, le Mexique est confronté cette année à des arrivées records de migrants, venus non seulement du Honduras et du Salvador, mais aussi de Haïti. De janvier à octobre, le pays a enregistré 108’195 demandes d’asile, un record, d’après les derniers chiffres officiels.
De leur côté, les États-Unis font preuve de fermeté à leur égard. Le voyage est «profondément dangereux et n’aura aucun succès», avait prévenu le secrétaire d’État américain Antony Blinken lors d’un déplacement à Mexico début octobre.