Crise énergétiqueEn Afrique du Sud, les coupures de courant n’épargnent même pas les morts
Avec des pannes d’électricité dans le pays pouvant dépasser les 11 heures par jour, les entreprises de pompes funèbres sud-africaines appellent la population à accélérer la veillée des défunts.
En Afrique du Sud, les familles se recueillent traditionnellement autour du défunt pendant une semaine, parfois plus. Mais désormais, à cause de coupures d’électricité endémiques qui peuvent durer parfois plus de 11 heures par jour, la conservation des corps relève du défi. «On voit de nombreux corps putréfiés», a déploré cette semaine, dans un communiqué, la South African Funeral Practitioners Association (SAFPA), représentant le secteur. Les pompes funèbres veulent donc enterrer les morts au plus vite.
Pannes, pénuries, l’entreprise publique Eskom, qui produit 90% de l’électricité en Afrique du Sud et rongée par les dettes après des années de mauvaise gestion, se débat avec des centrales vieillissantes et mal entretenues. Le pays est soumis depuis des mois à des délestages programmés, pendant plusieurs heures et plusieurs fois par jour, atteignant des durées records.
Des générateurs au diesel pour réfrigérer les dépouilles
Pour les pompes funèbres, ces coupures signifient des systèmes de réfrigération à l’arrêt et des corps qui se décomposent. Le secteur encourage donc les familles à enterrer leurs morts en quatre jours maximum. Aussi pour réduire les coûts, car les foyers et les entreprises qui en ont les moyens fonctionnent avec des générateurs nourris au diesel, dans un contexte général d’inflation et de hausse du prix du carburant.
Grace Matila, croque-mort de 52 ans installé à Johannesburg, raconte avoir du mal à faire face aux coûts supplémentaires et envisager d’augmenter les factures. Les coupures répétées détériorent aussi les machines qui finissent par rendre l’âme: «Heureusement, j’avais un compresseur de secours pour ma chambre froide, sinon vous imaginez ce qui aurait pu se passer?» tempête-t-il.
L’administration est elle aussi bloquée par les pannes
«Un confrère a dû fermer son affaire parce que les autorités ont découvert un corps en décomposition», raconte Mike Nqakula, 61 ans, qui a une entreprise de pompes funèbres dans la petite ville d’Uitenhage, au sud du pays. «Les générateurs ne sont pas bon marché», ajoute-t-il.
En plus des problèmes logistiques, les professionnels du secteur sont confrontés à des ralentissements pour déclarer les décès et obtenir les permis d’inhumer: les administrations qui délivrent les certificats de décès sont elles aussi incapables de délivrer les documents en cas de panne de courant.
Dans certaines régions reculées, «il faut parfois plusieurs heures avant de réussir à joindre une ambulance et qu’elle arrive sur place pour formellement déclarer le décès», puis finalement organiser l’enlèvement du corps, déplore Dududu Magano, porte-parole de la SAFPA, évoquant des réseaux téléphoniques également perturbés par les coupures d’électricité. «Un effet domino», soupire-t-il.